Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

ACE COMPILE LES NEUF 45 TOURS ET LEURS FACES B PUBLIÉS ENTRE 1959 ET 1962 PAR LE MYTHIQUE EDDIE BO POUR LE COMPTE DU LABEL RIC RECORDS. IRRÉSISTIBLE.

Eddie Bo

« Baby I’m Wise »

DISTRIBUÉ PAR ACE/V2.

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Charpentier de formation, il a renoué avec ses clous et son marteau à 75 balais après le passage dévastateur de l’ouragan Katrina pour réparer lui-même sa maison et son studio. Eddie Bo n’en est pas moins, derrière Fats Domino, le recordman des sorties de singles à La Nouvelle-Orléans et a composé au fil de sa carrière des centaines de chansons pour une quarantaine de labels différents. Né le 20 septembre 1930 dans la ville croissant, Edwin James Bocage tel que le renseigne sa carte d’identité descend de constructeurs de bateaux mais grandit dans le berceau du jazz et a la musique qui lui coule dans les veines. Sa mère est une pianiste autodidacte profondément influencée par un ami de la famille: Henry Byrd, le célèbre Professor Longhair. Quant à ses cousins, Henry, Charles et Peter, ils jouent dans différents orchestres de Big Easy. Notamment en compagnie du saxophoniste Sidney Bechet.

Une fois démobilisé (il a servi dans l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale), Edwin James étudie la composition et l’arrangement à la Grunewald School of Music avant de fonder le Spider Bocage Band. Le talentueux mr Eddie comprend vite que le rock lui vaudra plus de satisfaction que le jazz. Et s’il ne commence à enregistrer qu’à l’approche de son 26e anniversaire, il passe les années 50 et 60 à enchaîner les 45 Tours dans tout ce que la musique noire compte de genres. Retournant à son boulot de charpentier dès que sa passion ne lui permet plus de payer les factures.

Longtemps resté l’un des secrets les mieux gardés de Sin City, la ville du péché (au début du XXe, la Nouvelle-Orléans possédait la plus grande concentration de bordels du pays), Eddie a beaucoup observé Ray Charles au Dew Drop, mythique club de blues louisianais. Il s’en est d’ailleurs inspiré pour définir son propre style entre funk, jazz et blues.

Après une première sortie, sur Ace Records, en 1955, Bo publie chez Apollo, une ou deux semaines après les débuts du futur géant Solomon Burke. Le titre en question, I’m Wise, qui sera plus tard enregistré par Little Richard sous le nom de Slippin’ and Slidin’, donne son titre à cette enthousiasmante compilation… Baby I’m Wise: The Complete Ric Singles 1959-1962 rassemble les neuf 45 Tours, et leurs Face B, sortis par le pianiste et chanteur sur le label Ric Records en trois ans ainsi qu’une poignée de titres restés jusqu’ici dans les tiroirs. Rhythm & Blues, rock’n’roll, soul music… Groove power. Bo chauffe la piste et tire les larmes. Sort les cuivres et fait danser le Popeye, inspiré par le célèbre mangeur d’épinards et très populaire à La Nouvelle-Orléans début des sixties. On pense à Fats Domino (avec lequel il a joué) et on crève d’envie de se refaire quelques épisodes de Treme

Le 18 mars 2009, emmené par une crise cardiaque, Bo, qui a entre autres écrit et produit pour Irma Thomas, les Meters et Etta James, aidé à révolutionner le blues et à inventer le funk, et a été sucé jusqu’à la moelle (samplé qu’il fut par LL Cool J., DJ Shadow, Gorillaz et autre Justin Timberlake), s’en est allé rejoindre le Professor Longhair, Ray Charles et tous les autres au paradis de la musique noire américaine. Ça doit être un fameux bocson…

JULIEN BROQUET

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