L’AUTOMNE SERA ÉLECTRONIQUE, PLANANT ET JOYEUSEMENT CÉRÉBRAL! LA PREUVE NOTAMMENT AVEC DARKSIDE, LE NOUVEAU CARTON ANNONCÉ DU SURDOUÉ NICOLAS JAAR, ALLIÉ AU GUITARISTE DAVE HARRINGTON.

Il a la franchise et l’arrogance des gens doués (et qui le savent). A 23 ans, Nicolas Jaar a déjà fait pas mal parler de lui. Pas seulement parce qu’il est le fils de l’artiste-cinéaste chilien Alfredo Jaar: après avoir sorti une série de maxis réjouissants, il a publié en 2011 un premier album dont le titre sonnait presque comme un manifeste, Space Is Only Noise. House au ralenti, électronica boréale, Erik Satie synthétique: frôlant parfois la prétention, la musique de Jaar avait le mérite de la proposition à prendre ou à laisser. On se souvient de sa prestation -hypnotique- au festival 10 Days Off, à Gand: sur scène, Jaar et son groupe jouaient en cercle, tournant de fait le dos au public. « On improvise pas mal, donc on doit pouvoir se regarder, justifie Jaar. Cela peut paraître étrange pour certains. Mais on veut être sûr de communiquer au mieux pour donner le meilleur concert possible. Tout est live -à l’inverse de la grande majorité des shows de musiques électroniques actuels. En d’autres mots, la première préoccupation est la musique, et non le spectacle du groupe qui ferait le show. » Et cela fonctionne. Le concert de Darkside, le nouveau projet de Jaar, programmé à l’Ancienne Belgique, est complet depuis un moment, avant même que le disque ne soit disponible…

Born in Berlin

La première fois que l’on a entendu parler de Darkside, c’était au printemps dernier. Sous ce nom, Nicolas Jaar et Dave Harrington remixaient à leur sauce le dernier album de Daft Punk, Random Access Memories. Un beau coup de pub pour un projet qui n’en avait visiblement pas beaucoup besoin. « Dès qu’on a eu deux morceaux, on a booké un concert à Brooklyn. On n’avait que 17 minutes de musique à proposer. On avait un mois pour faire au moins 45 autres minutes de son. Je ne sais pas pourquoi on s’est lancés là-dedans. Cela nous semblait être une bonne idée (rires). Au final, le concert était sold out -on ne sait toujours pas comment-, on a joué une heure. C’était super! »

Nicolas Jaar et Dave Harrington se sont rencontrés sur la tournée qui a suivi la sortie de Space Is Only Noise. « Je voulais former un groupe. J’ai demandé à mon pote Will (Epstein, batteur, ndlr) qui était le meilleur musicien à sa connaissance. Il m’a parlé de Dave. Il était bassiste. J’avais besoin d’un guitariste. Mais puisque je voulais avant tout des riffs, je me suis dit qu’on pouvait malgré tout essayer. » Un soir, à Berlin, les deux s’ennuient à l’hôtel. Ils se mettent à improviser. Leur matériel -américain- ne supporte pas les différentiels électriques allemands. Les plombs finissent par sauter, les amplis implosent. « Mais on tenait un truc. Il s’était passé quelque chose. »

Difficile pourtant d’imaginer backgrounds plus différents. Jaar a toujours fonctionné essentiellement en autodidacte. Harrington a lui une solide formation musicale tous azimuts. « Batterie, piano, guitare, et puis surtout la basse… Mon père, grand fan de jazz, a une collection incroyable de LP originaux des années 60, 70… Cette musique était toujours là, à la maison. Je suis devenu un bassiste de jazz pendant un moment. Après l’école, j’ai bougé à Brooklyn, et j’ai joué dans des tas de groupes différents. Je disais oui à tout. Je me suis retrouvé comme clavier dans un projet indie-pop, je jouais de la basse dans un plan psyché-rock-noisy sous influence Velvet Underground, j’avais mon propre groupe… Puis est arrivée la proposition de Nicolas. Je n’avais jamais entendu parler de lui, je ne m’y connaissais pas trop en musiques électroniques. Je me suis dit que cela pouvait être intéressant. Essayons! »

Patience et ambition

Une tournée plus tard, voici donc Darkside et un premier album intitulé Psychic. L’électronique est toujours aussi rêveuse, mais elle a pris une nouvelle dimension, plus ludique. Funky (Heart), bluesy (Paper Trails), bizarrement sexy (le riff très Hall & Oates de The Only Shrine I’ve Seen) ou même poignant (le final Greek Light/Metatron). Les tons changent en permanence sans que cela ne brise la cohérence. On le glisse dans la discussion. « Excellent! », s’emballe Harrington. « Parfait, continue Jaar. Quand vous arrivez à un morceau comme Freak Go Home (le morceau le plus « fracturé » du disque, ndlr), vous avez suivi normalement toute une route, vous avez traversé une série de pièces différentes… Ce que l’on met sur la table est une proposition de 50 minutes, pas une chanson pop de 3 minutes 30. On espère que les gens comprendront que ce disque demande de la patience. »

De la patience? Une écoute attentive qui dépasse le temps d’un single? En 2013? Autant se tirer directement une balle dans le pied… Harrington: « Personnellement, je ne demanderai jamais à l’auditeur quelque chose que je n’exigerais pas de moi-même. Pour autant, je n’attends pas la même chose de chaque disque que j’achète. Mais il y a certains albums dans lesquels je veux davantage investir, dans lesquels je me plonge comme un dingue, pendant des semaines. » Jaar prolonge: « Il faut être ambitieux. Mais nous voulons rester également hospitaliers. C’est une question de respect. J’espère que les portes restent malgré tout assez grandes pour que tout le monde puisse venir faire un tour. » Always look at the darkside of life…

DARKSIDE, PSYCHIC, DISTRIBUÉ PAR OTHER PEOPLE/MATADOR 8

EN CONCERT (COMPLET) CE 09/10, À L’AB, BRUXELLES.

RENCONTRE Laurent Hoebrechts

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