Dark matters

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En rassemblant sur un seul disque toute sa production de la décennie, Burial permet de relire, voire même de réévaluer, une musique passionnante.

Peu d’artistes actuels peuvent se targuer d’avoir été aussi influents que Burial. Et ce, en ayant toujours refusé de jouer le jeu du star-system. Mieux, en préservant un secret quasi total autour de lui. Hormis un nom (Will Bevan) et une paire de clichés désormais datés, le producteur anglais est parvenu à conserver tout son mystère, restant le plus éloigné possible des projecteurs. Après un premier album éponyme en 2006, et l’incontournable Untrue l’année suivante, il avait même eu tendance à espacer de plus en plus ses sorties. Au cours de la dernière décennie, il s’est ainsi contenté de lâcher des EP ou des morceaux isolés. Alors que la bascule vers les années 2020 est en vue, et tandis que son label de référence, Hyperdub, vient de fêter ses quinze ans, il était donc sans doute temps de les rassembler sur un seul « support »: soit une collection de 17 morceaux, reprenant (quasiment) l’intégralité de sa production publiée depuis 2011…

Avec ses premiers disques, Burial n’avait pas seulement livré une musique aussi inventive que passionnante. Il avait également conçu un tout nouveau son, à la fois inouï et directement familier. Avec son mélange de basses ombrageuses, de relents dubstep paranos, et de sons craquelés, Burial avait ainsi réussi à trousser une certaine bande-son des nuits londoniennes. Un véritable monde en soi, à la fois rêveur et inquiet, rempli de spectres et de voix fantomatiques, le tout trempé dans un épais crachin anglais.

Le producteur aurait pu continuer à creuser cet univers encore un moment. Au lieu de ça, il a préféré non pas l’approfondir, mais l’élargir, en lui apportant systématiquement de nouvelles dimensions. C’est en tout cas ce que raconte cette solide collection baptisée sobrement Tunes 2011-2019, dont l’ordre des morceaux remonte, plus ou moins, le temps en arrière. Burial commence ainsi par déballer ses productions les plus récentes. Et aussi les plus dépouillées, pour le coup. Réduit par moment à une simple nappe, State Forest est une longue lamentation ambient. Il est suivi de la menace inquiétante de Beachfires, parue en 2017 . À sa manière, Subtemple ramène, lui, des éléments plus familiers, comme les voix féminines isolées et les bruits de vinyles qui craquent sous l’aiguille. Mais dépourvu de beat, le paysage reste encore particulièrement décharné.

Dark matters

À cette facette « contemplative » répondent des morceaux plus immédiats. Voire carrément dansants, comme Claustro, sortie UK garage qui n’est pas loin de frôler le dérapage eurodance. Largement commentés à leur sortie, les EP Kindred ( 2012) et Rival Dealer (2013) sont évidemment de la partie et résument peut-être encore mieux que les autres la démarche que Burial a poursuivie tout au long de la décennie. Celle consistant à creuser un son sans s’y limiter, à poursuivre des obsessions sans s’y complaire. Appelez ça une quête. Dans son cas, elle est passionnante.

Burial

« Tunes 2011-2019 »

Distribué par Hyperdub.

8

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