APRÈS CINQ ANS D’ABSENCE, L’HOMME-ARAIGNÉE EST DE RETOUR, AVEC UN NOUVEAU VISAGE, ANDREW GARFIELD SUCCÉDANT À TOBEY MAGUIRE, ET SOUS LA CONDUITE DE L’INATTENDU MARC WEBB. RÉCIT.

Mai 2009. De passage à Cannes, où Drag Me to Hell fait l’objet d’une séance de minuit, Sam Raimi se montre plutôt évasif lorsqu’on l’interroge sur l’éventualité d’un Spider-Man 4, l’absence de scénario justifiant son laconique:  » Je ne peux rien dire. » Quelques mois plus tard, en janvier 2010, l’annonce tombe, telle un couperet: le réalisateur de la franchise en est débarqué, et son acteur-vedette, Tobey Maguire, dans la foulée. Dire que la nouvelle fait l’effet d’une bombe tient de l’euphémisme: avec Spider-Man, Raimi a su, en effet, concilier comme rarement réussites commerciale et artistique. Soit, d’un côté, des recettes à faire pâlir n’importe quel producteur hollywoodien (si bien que, sans surprise, les super-héros vont bientôt se bousculer sur les écrans); et de l’autre, un reprofilage du genre, amené à maturité par cette relecture brillante des aventures du personnage créé par Stan Lee et Steve Ditko en 1962.

Qu’à cela ne tienne. Comme l’explique début 2012 Avi Arad, le producteur historique de la franchise, et par ailleurs à l’origine du passage de la plupart des héros de comics Marvel sur grand écran, les meilleures choses ne durent qu’un temps -axiome en vigueur à Hollywood comme ailleurs. « Après Spider-Man 3, nous avons voulu nous atteler à l’épisode suivant. Il y avait Sam, Tobey, une équipe, et tout semblait facile: avec Sam Raimi, nous n’avions pas seulement un grand cinéaste, c’était aussi un Peter Parker dans l’âme. Et le souhait de Tobey était également de continuer. Il nous manquait néanmoins une bonne histoire, la question étant de savoir que faire pour se renouveler. On ne peut, de manière réaliste, changer de direction à mi-parcours avec le même réalisateur et le même acteur. Nous avons essayé, pour nous rendre compte que c’était voué à l’échec, et tout le monde a eu le courage d’en rester là. » Exit donc le réalisateur et son acteur, le fond de l’histoire demeurant assez nébuleux. En tout état de cause, le troisième volet des aventures de l’homme-araignée traduisait un certain essoufflement si pas un début de lassitude, écrasant ses évolutions et ses dilemmes moraux sous un déluge d’effets spéciaux, sans que l’on sache vraiment d’ailleurs à qui en imputer la responsabilité.

Effets-miroirs

Les aficionados du super-héros new-yorkais ne sont pas encore au bout de leurs surprises. Puisqu’il s’agit de redessiner le personnage, les producteurs décident d’en revenir à ses fondamentaux, à savoir le mystère entourant la disparition des parents d’un Peter Parker que l’on retrouvera aussi dans un environnement plus réaliste, alors qu’il connaît ses premiers émois amoureux. Soit une version résolument teenager du super-héros le moins infaillible de l’histoire qui va, par ailleurs, devoir en découdre avec « le Lézard ». Et un projet qui pour n’être ni un remake, ni une suite des trois précédents, en sera néanmoins largement réminiscent -normal, si l’on considère que Sam Raimi multipliait les effets-miroirs entre les différents épisodes.

Reste toutefois à dénicher le réalisateur susceptible de s’acquitter de semblable mission. Déjouant tous les pronostics, le choix se porte sur Marc Webb -pas un inconnu, mais pas non plus un metteur en scène rompu au film d’action, puisque l’auteur auparavant d’un seul film, romantique encore bien: (500) Days of Summer. Bref, pour le dire simplement, pas vraiment le profil de l’emploi. Producteur de The Amazing Spider-Man, après avoir été impliqué dans les films de Sam Raimi au titre de dirigeant de la Columbia, Matt Tolmach raconte: « Alors que nous cherchions un nouveau réalisateur pour Spider-Man , Marc Webb et moi avons eu un jour une conversation, d’ordre conceptuel, sur le personnage. Il n’a pas du tout cherché à se vendre comme réalisateur potentiel, mais il avait une vision très claire des choses, de même qu’un sens très prononcé de ce que serait son Peter Parker. C’est là que j’ai proposé à Avi de nous rejoindre. Marc a développé son idée de Peter Parker et de son univers tels qu’on les retrouve dans le film. La vision a pris forme à ce moment-là. » De là, toutefois, à confier les clés d’une production aussi dispendieuse à un réalisateur inexpérimenté, il y avait plus qu’un pas, un gouffre. « C’est vrai, mais Spider-Man a quelque chose de spécial, objecte Tolmach: il s’agit de l’histoire intime d’un garçon se transformant en homme, emballée dans un immense film d’action de l’été. »

Des personnages avant tout

Ce que l’actrice Emma Stone formule à sa manière:  » Marc est avant tout porté vers les personnages et leurs relations, et fait de leur vérité son souci principal. Même s’il y a beaucoup d’action dans le film, tourner avec un réalisateur qui ne soit pas uniquement obnubilé par les explosions et les balancements s’est révélé infiniment précieux. » L’actrice de Easy A et The Help parle d’or, elle qui succède à Bryce Dallas Howard dans la peau de Gwen Stacy, condisciple de collège et premier amour de Peter Parker, dans une histoire aux dimensions « épique et tragique à la fois », observe-t-elle. A ses côtés, et c’est l’ultime surprise du chef, Andrew Garfield, acteur anglo-américain dont la vision de The Amazing Spider-Man confirme qu’il n’a pas seulement le profil timide de Peter Parker mais aussi l’agilité d’un homme-araignée bondissant entre les gratte-ciel.  » Andrew me rappelle un peu Cary Grant, s’enthousiasme Avi Arad. C’est un héros taiseux, doté d’un sens de l’humour, mais doux, qui peut communiquer une émotion par un geste. Et s’il exprime la joie de vivre d’un côté, on peut aussi voir le poids du monde sur ses épaules, sans que cela ne paraisse à aucun moment banal. Enfin, physiquement, il est tout à fait dans le moule Spider-Man, avec un cou allongé, et une apparence mince mais athlétique. A tel point que ces qualités physiques nous ont permis de tourner avec de vraies personnes des scènes d’action que l’on fait désormais généralement par ordinateur… »

Armé, donc, pour rétablir l’ordre dans les rues de New York, mais aussi pour affronter la rude concurrence de l’été avec la sortie annoncée, le 25 juillet prochain, du nouveau Batman -franchise rivale ayant tout autant contribué à donner une consistance nouvelle aux (films de) super-héros: « Le monde a changé avec le 11 septembre, conclut Arad. Alors qu’on avait tendance à les considérer de manière un peu dédaigneuse ou cynique, les héros ont de nouveau eu droit de cité. Un Peter Parker prend tout son sens dans ce contexte: la métaphore des super-héros fait écho à un environnement mouvant. A travers ces films, de vraies questions sont abordées, qui transcendent le costume ou le fait de tendre une toile d’araignée. Mais sans personnage à la base, le reste ne rime à rien. »

TEXTE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À PARIS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content