LES P’TITS BELGES DE NWAVE TUTOIENT DÉSORMAIS LES STUDIOS HOLLYWOODIENS AVEC UNE ANIMATION 3D SOUFFLANTE!

Il n’y a pas de « D » dans Ben Stassen, ni dans Vincent Kesteloot. Il en faudrait 3, pourtant, 3D pour célébrer l’apport des deux complices belges à un format cinématographique aujourd’hui aussi répandu que -le plus souvent- très mal utilisé… Produit par le premier, réalisé par le second, Robinson Crusoe (lire la critique page 29) est une réussite. Il cartonne déjà en Allemagne, premier pays (sur plus d’une centaine!) à le sortir. Et il aura, cet été, les honneurs de plus de 2000 salles aux Etats-Unis, où le film sera rebaptisé The Wild Life. « Nous sommes très conscients du fait que nous devons convaincre un public habitué aux films Disney, Pixar ou Dreamworks, déclare Ben Stassen, nous avons beaucoup moins de moyens, mais nos standards techniques et créatifs doivent être les mêmes… » Un film produit et réalisé dans le studio de nWave à Forest voit son budget actuellement plafonné à 25 millions d’euros. Un succès conséquent de Robinson Crusoe/The Wild Life aux USA pourrait porter ce plafond au double, tout en assurant un très précieux deal de distribution américaine à long terme pour les prochains films de la société de Stassen.

Et pourtant, avec seulement 17 animateurs et une équipe de -seulement encore- 120 personnes au total engagées sur le film, c’est à l’exploit permanent qu’est contraint nWave. Les atouts pour y parvenir? Des créatifs et des techniciens de talent, mais aussi un réalisme économique tranchant (pour réduire par exemple à sept le nombre de personnages d’animaux, alors que le scénario en comprenait beaucoup plus). Et un sens du risque permettant d’oser un changement de « moteur » -le logiciel de rendu principal- pour être le premier long métrage à utiliser Arnold, le software dernier cri (1). Un coup de poker car obligeant la totalité des collaborateurs à dominer en quatrième vitesse un outil tout neuf, qui reconditionne aussi (à 80 %!) le travail avec chacun des logiciels secondaires impliqués dans la réalisation…

Chez nWave, on ne perd jamais de vue les considérations économiques. Mais on les associe en permanence à une démarche créative où l’inventivité permet de tirer le maximum de chaque élément. Comme dans ce choix décisif, pour Robinson Crusoe, d’un décor à peu près unique: deux îles au milieu de l’océan, un bateau pirate échoué. Une manière de réduire un peu les coûts, mais aussi et surtout un cadre dont la découverte progressive du potentiel par le spectateur au fur et à mesure de l’action est source constante et excitante de plaisir! « Nous avions à coeur, par-delà l’économie budgétaire, de développer un type d’horlogerie parfaite où -par exemple- des débris de naufrage deviennent les éléments d’une tour d’observation, laquelle fournira plus tard les éléments d’un radeau« , commente Vincent Kesteloot, le réalisateur du film. Cette créativité ne laissant rien au hasard était déjà présente dans le premier succès de nWave, ce Fly Me to the Moon de 2008 (réalisé par Ben Stassen) qui cartonna malgré une distribution limitée: 150 000 spectateurs en Belgique avec 18 salles, 490 000 au Mexique avec la même combinaison, 350 000 en France avec 51 salles seulement. Un ratio extraordinaire, qui mit l’encore petite société belge sur la carte internationale de la fiction 3D, alors qu’elle était jusque-là connue surtout pour ses courts films destinés aux parcs d’attraction.

High Frame Rate sinon rien!

« La 3D telle qu’on la vend dans les salles est trop nulle! On prend les gens pour des cons! Ils viennent en famille, payent plus cher, doivent acheter des lunettes spéciales et ils sortent déçus. Même chez Pixar, où les films sont pourtant géniaux, la 3D est minable… » Ben Stassen ne mâche pas ses mots au moment d’évaluer le niveau il est vrai assez lamentable de l’offre 3D actuelle. Chez nWave, on boit, on mange, on respire, on vit en 3D. Pas un plan de Robinson Crusoe n’oublie ce paramètre essentiel du contrat moral avec le public: offrir à ce dernier, de bout en bout, une authentique expérience en relief. Rare, très rare même, dans un monde du cinéma où -comme le rappelle justement Stassen- la 3D a servi un but industriel, « forcer les exploitants de salles à s’équiper en digital« . « Quand sort Fly Me to the Moon en 2008, il n’y a que 500 salles équipées aux Etats-Unis, un an plus tard seulement, pour la sortie d’Avatar, il y en aura 2500! La 3D n’a servi qu’à ça, maintenant, à Hollywood, tout le monde ou presque s’en fout. On applique la conversion (un film « plat » en 2D subit un traitement « relief » en 3D en toute fin de processus, NDLR), ou alors on tourne en 3D mais sans y investir la créativité nécessaire, sauf évidemment quand on s’appelle Peter Jackson ou James Cameron! »

Autant le boss de nWave voit partout des signes de déclin fatal pour la 3D traditionnelle (« L’Italie sort Robinson Crusoe en 2D, l’équipement qui nous a servi pour tourner African Safari(film animalier en images réelles, NDLR) en 2013 est aujourd’hui invendable, parce que plus personne ne tourne avec deux caméras 3D… « ), autant il voit un avenir possible dans la voie que prônent ses deux glorieux collègues: le HFR ou High Frame Rate, la technologie qui permet d’augmenter le nombre d’images par seconde, au-delà du standard de 24. « La 3D du Hobbit de Jackson était sensationnelle à 48 images secondes, et Cameron veut sortir son prochain film (Avatar 2) en 60 images secondes« , s’enthousiasme un Stassen qui voit d’un bon oeil l’avènement dès lors indispensable du format 4K dans les salles. Et de conclure, prophétique: « Ce sera une autre forme de spectacle, une immersion, qu’on ira voir pour une expérience hors-norme, le tout-venant de la 3D disparaissant sans laisser de regret… »

(1) HTTPS://WWW.SOLIDANGLE.COM/ARNOLD/

RENCONTRE Louis Danvers

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