Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

UNE RESCAPÉE DES CAMPS D’EXTERMINATION NAZIS RETROUVE UNE INCERTAINE LIBERTÉ DANS CE TRÈS BEAU FILM OÙ BRILLE DOULOUREUSEMENT NINA HOSS.

Phoenix

DE CHRISTIAN PETZOLD. AVEC NINA HOSS, RONALD ZEHRFELD, NINA KUNZENDORF. 1 H 38. SORTIE: 11/03.

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Nelly est revenue. Sa silhouette fragile se découpe sur un fond de décombres. Les ruines de Berlin. Les restes misérables de ce Reich qui devait durer 1000 ans. Nelly a réchappé à l’enfer d’Auschwitz. D’entre les morts, la voici qui revient, amaigrie, blessée, telle une ombre arrachée au destin, au génocide programmé, à l’anéantissement. Mais comment être encore quand on vous croit perdu, rayé du nombre des vivants? Une opération du visage compliquera encore la donne. Au point que Johnny, l’ex-compagnon de Nelly, qui bien sûr la croit morte, ne la reconnaîtra point…

Nous nous garderons bien de dévoiler ici la suite d’une intrigue étrange et inquiétante, prenante et bouleversante par-delà des outrances puisées aux sources de la tragédie grecque… et du mélodrame flamboyant à la Douglas Sirk. Comme avant lui Rainer Werner Fassbinder, Christian Petzold (lire son interview page 20) emprunte les chemins du film de genre pour aborder la très douloureuse et souvent ambiguë période de l’immédiat après-guerre en Allemagne, quand les survivants de la Shoah et les nazis en cavale se croisaient sans toujours se voir. Sur un mode plus réaliste que son transgressif aîné, il mène à bien son audacieux pari, confirmant sa stature désormais majeure dans le cinéma allemand de ce début de siècle.

Amours impossibles

Pour la cinquième fois, Nina Hoss est l’interprète élue par Petzold. Et comme dans le très remarquable Barbara de 2012, cette merveilleuse actrice a pour partenaire Ronald Zehrfeld. Passant de l’Allemagne de l’Est communiste en 1980 au pays vaincu de 1945, et d’un rôle de médecin en rupture de loyauté au parti à celui de Nelly la survivante, Hoss affiche de nouveau les mêmes qualités d’absolue crédibilité nimbée de sophistication et même de glamour. On comprend la fidélité de Petzold à cette artiste rare, à la fois star et proche comme purent l’être les Italiennes fabuleuses de l’époque néo-réaliste, les Anna Magnani, Sophia Loren et autre Silvana Mangano.

La prestation tout en retenue et pourtant sublime de Hoss est pour beaucoup dans la réussite de Phoenix. Mais la tranquille audace du réalisateur, prenant le risque du mélo (certains critiques allemands le lui reprochent durement), a aussi bien du mérite. S’inspirant très librement d’un roman de Hubert Montheilhet, Christian Petzold filme après Barbara une nouvelle histoire d’amour impossible adossée à l’Histoire, dont il sait les horreurs. La démarche est forte, les échos sont profonds.

LOUIS DANVERS

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