SIX DES DIX FILMS DE MAURICE PIALAT FONT L’OBJET D’UNE EXEMPLAIRE ÉDITION BLU-RAY. UNE INVITATION IRRÉSISTIBLE À REDÉCOUVRIR UN CINÉASTE MAJEUR.

Certes, il y avait l’exemplaire intégrale DVD, éditée par Gaumont en 2004. Le transfert au standard Blu-ray de six films de Maurice Pialat n’en constitue pas moins un événement, invitation irrésistible à se replonger dans une oeuvre que la haute définition sert admirablement. Couvrant la période allant de 1972 et Nous ne vieillirons pas ensemble, un film en forme d’autofiction, à 1991, et le sublime Van Gogh, manière d’autoportrait en artiste solitaire et incompris, les six titres considérés permettent aussi d’appréhender l’art de Pialat, un auteur dont le cinéma hurle cette vérité humaine qu’il n’eut de cesse de traquer.

« C’était tellement bien écrit qu’on pouvait penser que c’était improvisé », se souvient Marlène Jobert, (super)star de Nous ne vieillirons pas ensemble, aux côtés de Jean Yanne, l’histoire d’une rupture, et un film dont François Truffaut dira: « J’ai eu l’impression de voir une histoire d’amour dans laquelle on ne verrait pas les mêmes scènes que d’habitude, ou bien dans laquelle on verrait des choses jamais montrées et jamais dites », ce qui pose on ne peut mieux la singularité de Pialat. Le résultat est aussi fascinant que violent, où la vérité suinte de chaque plan, captée sans effort apparent, et assénée sans plus de ménagement que Jean ne considère Catherine, en un écho troublant à la propre histoire du réalisateur. La même vigueur porte Loulou, autre film au ressort autobiographique quoique indirectement, et l’histoire d’une femme quittant son mari et son confort bourgeois pour vivre une aventure passionnée avec un loubard, pour un nouveau concentré de bonheur inaccompli. Le couple Huppert-Depardieu crève l’écran, dans un film dont le réalisme cru n’a pas fini d’interpeller, tout comme le sentiment de prise sur le vif.

Sans concession

Tourné trois ans plus tard, A nos amours fait le portrait sans la moindre concession au lien commun d’une adolescente multipliant les aventures amoureuses -Sandrine Bonnaire, extraordinaire de présence et de spontanéité- dans sa recherche du père. Soit un personnage brut de décoffrage, pour un film guettant l’irruption de la vie, pas moins -ainsi de la fameuse scène de la fossette, improvisée entre Pialat et son actrice-, au gré d’heureux accidents appelés par le réalisateur de ses voeux. Au regard de ce joyau, Police, qui réunit Gérard Depardieu et Sophie Marceau, est une relative déception -c’est aussi celui de ses films que Pialat éreinta le plus, lui qui excellait dans cet exercice. Ainsi lorsqu’il évoquait son propre parcours de cinéaste à l’époque du tournage de A nos amours: « En quinze ans, on doit avoir dit ce qu’on a à dire dans ce métier. Moi, je me retrouve exactement au même stade qu’au premier film. » Si Police ne convainc pas totalement, c’est notamment en raison de concessions à un genre, le polar, encore que la manière soit digne d’intérêt, qui s’arrête au rendu sans fard de l’activité d’un commissariat au quotidien, préfigurant Polisse, le film quasi homonyme tourné par Maïwenn en 2011.

Adaptation de Bernanos, Sous le soleil de Satan vaut à son auteur une consécration cannoise controversée, tout en s’avérant magistrale oeuvre crépusculaire, réflexion existentielle confrontant l’homme à ses tourments, et s’appuyant sur un extraordinaire Gérard Depardieu dans le rôle de l’abbé Donissan. Le chef-d’oeuvre absolu est pourtant encore à venir. Ce sera Van Gogh, que Maurice Pialat consacre, sans affect et toujours mû par la même quête de vérité, aux derniers mois de la vie du peintre (Dutronc, bouleversant), à Auvers-sur-Oise. Un film d’une fulgurante maîtrise formelle et d’une non moins absolue rigueur, comme une manifestation de la beauté pure, en sus des considérations personnelles qu’il charria immanquablement.

Cerise sur le gâteau, les six titres sont lestés de suppléments pléthoriques -il y en a plus de quinze heures, dont de nombreux inédits. Soit divers courts métrages des débuts, des documentaires de référence, comme l’excellent L’oeil humain, de Xavier Giannoli, et les témoignages de comédiens et de collaborateurs. Si tous concordent pour rappeler qu’un tournage de Pialat n’était à nul autre pareil, tant le cinéaste s’appuyait sur une stratégie de la tension, rares sont ceux à ne pas louer, in fine, son acuité. Et plus encore: voir ainsi Sandrine Bonnaire confessant comment elle ne comprit que bien après A nos amours combien Pialat l’avait littéralement inventée au cinéma, attendant 20 ans pour lui dire qu’il avait transformé sa vie…

NOUS NE VIEILLIRONS PAS ENSEMBLE, LOULOU, À NOS AMOURS, POLICE, SOUS LE SOLEIL DE SATAN, VAN GOGH. ED: GAUMONT. DIST: BELGA. (*****)

J.F.PL.

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