Crystal Murray

"La musique, je l'ai dans le sang." © ERIKA BOWES

À 18 ans seulement, elle a déjà été influenceuse (Gucci Gang) et égérie Converse. Elle a aussi contribué à libérer la parole féminine et glissé un de ses morceaux dans un Klapisch. Portrait d’une jeune fille en feu.

Elle parle vite. Sa voix pétillante exhale l’enthousiasme et l’énergie de ses 18 ans. Malgré son jeune âge, Crystal Murray vient de sortir avec I Was Wrong un premier EP assez bluffant sur lequel son timbre et son grain soul jazz excellent. Fille d’un saxophoniste de jazz afro-américain réputé (David Murray) et d’une Franco-Espagnole qui dirige une maison de production dans les musiques du monde (3D Family), Crystal est une enfant de la balle et a barboté très tôt dans un environnement musical. La jeune femme a grandi au son des albums de Minnie Ripperton, Marvin Gaye, Stevie Wonder, John Coltrane… Au rythme, aussi, des projets de son père, qui a notamment bossé avec Macy Gray. « Ma grand-mère, qui jouait du piano, a rencontré mon grand-père, guitariste, dans une église au fin fond d’Oakland. La musique, dans la famille, ça vient de loin. On a, mes frères et moi, été très présents dans la vie de travail de nos parents. Je me souviens des tournées, des passages dans les clubs de jazz Blue Note… On voyageait énormément. J’ai très vite découvert le jazz, vu l’envers de son décor. Maman, c’était l’aventure. Elle a sa boîte de prod indépendante. Elle est derrière Les Amazones d’Afrique. Elle travaille avec de grandes chanteuses comme Oumou Sangaré et Mariam Doumbia… Elle a aussi fait un tas des trucs à Cuba. C’est une warrior. Une business woman dans le monde de la musique. En gros, ma daronne, c’est la meilleure et papa il est chanmé.  »

Elle est chanmé aussi Crystal. Puis plutôt du genre précoce. Elle a à peine quatorze ans quand elle monte avec trois copines le Gucci Gang, un groupe d’influenceuses associé au milieu de la mode et des arts. « Le phénomène existait déjà aux États-Unis et en Angleterre. Ça arrivait en France. On était là et on a eu de la presse. Au départ, on postait juste des photos comme tout le monde… Ils ont vu débarquer quatre meufs bien sapées. C’est devenu un truc de girl gang basé sur les fringues et la mode. On s’est retrouvées invitées dans des soirées où on n’avait normalement pas le droit d’être. C’était fun. On a fait ça grave bien. Mais je ne sais pas ce que les gens pensaient… Depuis, j’ai l’impression qu’il y a une espèce de robotisation un peu chelou de la personne par les marques. Influenceur est devenu un job d’ailleurs… »

De là, les quatre filles dans le vent lancent Safe Place, une plateforme digitale pour libérer la parole des femmes. « Dans la presse, nos propos étaient déformés. On était juste des petites meufs de quatorze ans qui aimaient bien la mode. On a réalisé qu’on voulait créer un espace de discussion pour les gens de notre génération. Un lieu où on pourrait parler de tous les tabous. Les agressions, le harcèlement, la féminité. Le fait d’être une fille en train de devenir une femme. C’était il y a trois ans. Avant #MeToo. Avant que les jeunes prennent la parole librement sur la sexualité… »

Crystal Murray

Envie de vomir

Sa première vie, son petit parcours dans la mode a permis à Crystal Murray de fréquenter des gens qui lui ont ouvert les portes de la musique. Notamment Svet Chassol, le cousin de l’harmonisateur du réel… « Quand je lis « Crystal Murray l’influenceuse qui devient chanteuse » , ça me donne envie de vomir… Étant petite, je voulais déjà chanter. Bien sûr, c’était un rêve d’enfant. Mais j’ai toujours écrit des chansons, composé des mélodies dans ma tête. La musique, je l’ai dans le sang. »

Fan de Kelis, de Macy Gray, de Betty Davis, la Française possède un grain de voix plein de profondeur et de groove. Il y a du Lauryn Hill, du Skye Edwards (Morcheeba), un voile soul vintage dans la bouche de Crystal. Son premier EP, I Was Wrong, laisse entrevoir un avenir radieux et touche-à-tout. « C’est un collage. Un ensemble de sons que j’ai agglutinés depuis que j’ai commencé la musique plus sérieusement. Que je me suis vraiment posée pour écrire des chansons, décrire mes émotions et mes pensées. C’est un melting-pot d’un tas de trucs. Je suis encore dans une phase de création, d’apprentissage. J’ai tellement de références. J’écoute tellement de choses. Beaucoup m’ont déjà cataloguée chanteuse soul. Mais il y a bien plus que ça. Moi, je veux toucher au rock, à la house, à la musique électronique, au hip-hop… Je ne changerai pas ma voix évidemment. Mais je veux renverser les barrières et éviter qu’on me range dans une boîte. J’essaie de linker tout ce qui est en moi pour en faire un truc nouveau. »

Utilisé dans Deux moi, comédie dramatique de Cédric Klapisch sur la solitude des grandes villes (la fille du réalisateur, Thaïs, elle aussi membre du Gucci Gang, est une de ses meilleures amies), Princess est une jolie carte de visite. Au Portugal, dans la maison de famille où elle vit son confinement et a son propre petit studio, Crystal planche pour l’instant sur son premier album. La voie royale, même si la pandémie risque de la couper dans son élan et va de toute évidence perturber ses plans. « J’avais plein de bonnes dates, de grosses scènes, mes premiers festivals qui devaient arriver. Le corona m’a eue. Mais ce n’est pas très grave. C’est la vie. J’essaie d’avancer. Je me suis aménagé un studio en bas. Tous les jours, je bosse un morceau. Je pense que je suis en train de faire mon disque. »

I Was Wrong, distribué par Caroline.

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