SUR UN SCÉNARIO ORIGINAL DE CORMAC MCCARTHY, RIDLEY SCOTT SE FEND D’UNE FABLE FROIDE ET CRUELLE CIBLANT LA CUPIDITÉ ET SES CONSÉQUENCES, SINGULIÈREMENT TRAGIQUES.

The Counselor

DE RIDLEY SCOTT. AVEC MICHAEL FASSBENDER, CAMERON DIAZ, JAVIER BARDEM. 1 H 57. DIST: FOX.

7

« Monsieur McCarthy semble n’avoir jamais consulté un manuel d’écriture de scénario de sa vie… Et c’est un compliment« , pouvait-on lire fort à propos l’an dernier dans le New York Times. Un éloge critique s’inscrivant résolument à contre-courant, puisque la presse américaine n’a pas manqué de dézinguer massivement ce drôle d’objet cinématographique, à la fois rebutant et sexy.

Ridley Scott affiche pourtant une forme quasi inespérée à la réalisation de The Counselor (Cartel en vf), bel objet clinquant évoquant d’abord le Soderbergh cool et sexy de Out of Sight ou des Ocean’s avant de tourner aigre, le film s’enfonçant peu à peu dans l’atmosphère délétère d’un thriller anxiogène aux accès de violence brutale et au propos désespéré, à la limite du nihilisme, doublé d’un portrait peu amène de l’Amérique d’aujourd’hui. Le romancier Cormac McCarthy (Blood Meridian, The Road) n’y est en effet pas allé de main morte à l’écriture de son premier scénario original, alignant les dialogues aussi brillamment cyniques que proprement interminables tout en prenant soin de dérouler un récit à ce point virtuose qu’il frise l’hermétisme pur et simple. Pour une fable à la morale glacée qui stigmatise avec force cruauté l’appât maladif du gain, dont les mortelles conséquences s’insinuent comme un poison. Et une plongée en apnée dans les eaux poisseuses du crime organisé, sa loi de la jungle et ses méthodes féroces. Un milieu vénéneux dont un avocat cupide et arrogant (Michael Fassbender) croit pouvoir tirer profit sans retour de bâton. Avant de réaliser qu’il vient de mettre les pieds dans une impitoyable machine à broyer des vies, laquelle semble devoir inexorablement se refermer sur lui…

S’il multiplie les face-à-face logorrhéiques au détriment de partis pris plus viscéraux, le divertissement reste ainsi de très bonne tenue, thriller implacable et méchant rappelant fort à propos que l’homme est un loup pour l’homme, à moins qu’il ne s’agisse plutôt d’un guépard, fière mascotte d’une Cameron Diaz féline et vorace au possible -voir cette scène hallucinée où elle fait l’amour à une… voiture.

Version longue

« La thématique du film est la déchéance du personnage principal. Ce film traite avant tout de moralité. Dans la vie, toutes nos actions ont un prix« , analyse Ridley Scott dans le making of singulièrement étoffé (près de 1 h 20 d’interviews et d’images de tournage) livré en bonus d’une édition Blu-ray proposant le film dans sa version cinéma mais aussi en « extended cut » (20 minutes non censurées supplémentaires). Une version alternative qui tient de la véritable habitude, pas forcément toujours justifiée d’ailleurs, dans le chef du cinéaste britannique, dont le nouvel Exodus est annoncé pour la fin de l’année.

NICOLAS CLÉMENT

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