DANY BOON CONNAÎT SES CLASSIQUES. À DÉFAUT D’AUTRE CHOSE, ON RETROUVE DANS SON RIEN À DÉCLARER QUELQUES ÉLÉMENTS ET FIGURES (PRESQUE) OBLIGÉS DE LA COMÉDIE POPULAIRE FRANÇAISE À SUCCÈS.

Un film, un seul, aura suffi pour faire de Dany Boon une figure majeure de la comédie populaire à la française. Le triomphe sans précédent de Bienvenue chez les ch’tis (20 479 826 entrées rien qu’en France!) a fait basculer de son piédestal La Grande Vadrouille de Gérard Oury, jusque-là plus grand succès du cinéma frenchie. A l’heure où sort Rien à déclarer, l’attente est énorme quant au film lui-même ( une grosse déception de ce côté-là, lire la critique dans le Focus du 21/01), mais aussi quant à ses performances, un peu comme quand James Cameron proposa son Avatar en successeur d’un Titanic aux chiffres record (c’est le seul film qui devance -de peu- Bienvenue chez les ch’tis chez nos voisins avec 20 758 887 spectateurs). C’est aussi l’occasion, Boon le bosseur connaissant ses classiques, d’examiner en quoi son approche de la comédie populaire s’inscrit dans la tradition d’un genre où certains éléments, certaines figures, se font récurrentes depuis plus d’un demi-siècle…

L’opposition des contraires

Avant Ruben Vandevoorde (Benoît Poelvoorde) et Mathias Ducatel (Dany Boon) dans Rien à déclarer, il y eut Don Camillo (Fernandel) et Peppone (Gino Cervi) dans la série de films narrant -à partir de 1952 et du Petit monde de Don Camillo– les mésaventures du prêtre catholique et du maire communiste italiens. Et ensuite, notamment, le riche et cynique Léopold Saroyan (Louis de Funès) et le naïf Français moyen Antoine Maréchal (Bourvil) dans Le Corniaud, le tueur sans scrupules M. Milan (Lino Ventura) et le gaffeur suicidaire François Pignon (Jacques Brel) dans L’Emmerdeur. Puis aussi le même Pignon (personnage fétiche du scénariste puis réalisateur Francis Veber) tel que décliné -surtout- par le timide et frêle Pierre Richard face au « dur » et costaud Gérard Depardieu dans Les Compères, Les Fugitifs et la Chèvre… où le personnage de Richard s’appelle François Perrin mais ne déroge pas à la typologie consacrée. On mentionnera aussi le tandem formé par le gangster Gérard Lanvin et le gardien de prison… Benoît Poelvoorde dans Le Boulet.

Garantis d’origine

Les différences exagérées jusqu’au fantasme entre le sud et le nord ( » le Norrrrrr« , dixit Michel Galabru) était l’un des ressorts comiques essentiels de Bienvenue chez les ch’tis. Tout comme il l’était dans La Cuisine au beurre, où Fernandel campe un cuisinier marseillais revenant de captivité et découvrant avec dépit que sa femme a engagé (et même plus) un cuistot venu de Normandie… Dans Rien à déclarer, c’est un Français et un Belge qui se trouvent confrontés, le mauvais rôle du xénophobe bourré de préjugés allant à notre compatriote… Ici aussi, nous sommes dans une tradition de comique culturel, voire ethnique, que la comédie italienne utilisa souvent (le Sicilien du Pigeon!), et dont le cinéma français de divertissement fit un usage souvent réducteur (vis-à-vis des Corses mafieux ou paresseux, par exemple, ou dans La Cuisine au beurre où le Normand est travailleur et le Provençal fainéant), mais aussi parfois audacieux dans la prise à rebours d’un certain racisme ambiant ( Les Aventures de Rabbi Jacob).

Les bons et les méchants

Tout comme le polar, le film d’aventures, le western ou le fantastique, la comédie populaire a souvent besoin d’un (ou de plusieurs) méchant(s). Si Dany Boon s’en était passé dans Bienvenue chez les ch’tis, il s’en est bien souvenu pour un Rien à déclarer où Benoît Poelvoorde joue les odieux personnages, mais où d’autres patibulaires entrent dans le jeu. Singulièrement la bande de malfrats menant de pathétiques tentatives de trafic de stupéfiant sur la frontière franco-belge. Plus cons que méchants, en fait, ces personnages offrent à Boon l’occasion d’un hommage à la comédie populaire façon Michel Audiard. Laurent Gamelon, chef de gang colérique et burlesque, ayant même le physique du Bernard Blier des Tontons flingueurs, du Cave se rebiffe et autres Barbouzes dialogués par l’excellent papa du non moins excellent Jacques…

L’Amour toujours

S’il n’est pas omniprésent dans la comédie populaire, l’élément romantique s’y glisse tout de même souvent, généralement sous la forme d’une douce idylle contrariée entre le héros (timide et/ou maladroit) et une demoiselle plus volontiers patiente et gentille que séductrice et pressante. La romance clandestine liant Dany Boon à Christel Pedrinelli dans Rien à déclarer a beau subir les entraves d’un frère intolérant (Poelvoorde), elle donne dans le tendre et le mignon, s’inscrivant dans la veine des amours touchantes et fragiles, telles qu’en vécurent précédemment à l’écran un Pierre Richard ou un Francis Perrin.

Satire (dans tous les sens)

L’élément satirique est un piment presque obligé de la comédie populaire, qu’il vise un milieu (la gastronomie dans L’Aile ou la cuisse, la politique et l’industrie dans La Zizanie (2 films de Claude Zidi), la télévision dans La Grande lessive, la banque dans La Bourse et la vie (2 films de Jean-Pierre Mocky), la publicité dans Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (Jean Yanne), les milieux branchés dans Jet set (Fabien Onteniente), ou les forces de l’ordre dans la série des Gendarmes de Saint-Tropez avec Louis de Funès. Rien à déclarer exerce son trait satirique vis-à-vis des gradés de la douane. Et le fait sans acidité particulière, Dany Boon confirmant là encore sa nostalgie visible pour la comédie des années 60 et 70, d’avant l’avènement des groupes à l’humour plus osé et corsé (tels les Bronzés, puis les Nuls) et des transfuges du stand up (Franck Dubosc) ou de la télé trash et -volontairement?- consternante comme Michael Youn ou Eric et Ramzy… l

TEXTE LOUIS DANVERS

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