Clint déraille

Clint Eastwood se vautre en voulant raconter l’attaque terroriste avortée du Thalys et les trois Américains héroïques qui y ont mis fin.

D’abord, il y eut American Sniper (2014). Le portrait de Chris Kyle, tireur d’élite de la marine américaine, surnommé le diable de Ramadi (160 tirs létaux confirmés par le Pentagone), assassiné sur un stand de tir par un ancien marine souffrant de stress post-traumatique. Deux ans plus tard vint Sully. L’histoire de Chesley Sullenberger, le pilote d’avion qui avait posé sur le fleuve Hudson ses 154 passagers et son coucou endommagé par des oiseaux migrateurs. Dans son nouveau long métrage, Clint Eastwood raconte à nouveau l’histoire de héros américains bien réels passés par les rangs de l’armée. En l’occurrence les trois touristes qui ont permis de déjouer l’attaque terroriste du Thalys Amsterdam-Paris le 21 août 2015 et ont immobilisé un djihadiste sorti des toilettes une kalachnikov à la main.

Fascination pour le réel

Si le réalisateur de 87 ans avait embauché Bradley Cooper pour incarner le sniper texan et invité Tom Hanks à camper le sauveur d’Airbus, ce ne sont pas, dans Le 15h17 pour Paris, des acteurs qui jouent les héros mais les héros qui jouent aux acteurs… C’est l’une des grandes curiosités du film adapté de leur propre livre (avec l’auteur Jeffrey E. Stern) The 15:17 to Paris: The True Story of a Terrorist, a Train, and Three American Heroes… Sans même avoir été coachés (dans un souci d’authenticité), Alek Skarlatos fraîchement revenu d’Afghanistan, Spencer Stone, première classe dans l’armée de l’air, et leur pote étudiant Anthony Sadler interprètent ici leur propre rôle (c’est le cas aussi de certains membres du SAMU et de la SNCF). En réalité, c’est loin (mis à part le fait que l’enquête judiciaire soit encore en cours) d’être le problème majeur de cet objet cinématographique aux allures de docu-fiction mal fichu. Car le film ne s’arrête pas uniquement sur leur court moment de bravoure. Il revient avec démagogie sur les parcours de vie. Glorifiant l’héroïsme américain envers et contre tout (l’école, l’armée…) et agglutinant les grands moments et petits instants d’existences les ayant menés à cette courageuse destinée… Clint Eastwood déraille. S’appesantit sur l’insignifiante virée des trois potes. Rome, Berlin, Amsterdam. Boîtes de nuit, selfies… « Dites, monsieur, ça vaut la peine Paris? Les gars, on y va ou on n’y va pas? »

Clint déraille

Au final, ce que dit ce film, vide, lisse et moins long qu’il en a l’air, c’est la fascination du vieux Clint pour le réel. Après Au-delà (2010), il n’a cessé d’y puiser le terreau de ses fictions, dressant par exemple le portrait d’Hoover ( J. Edgar) et adaptant une comédie musicale inspirée par la carrière des Four Seasons ( Jersey Boys). La suite s’annonce du même tonneau. Ainsi, Eastwood serait en train de tourner Impossible Odds, l’histoire vraie de Jessica Buchanan, une travailleuse humanitaire enlevée avec l’un de ses collègues en Somalie, et projetterait un biopic ( The Mule) sur Leo Shark, vétéran de la Seconde Guerre mondiale devenu passeur de drogues pour un cartel mexicain.

Le 15h17 pour Paris

De Clint Eastwood. Avec Anthony Sadler, Alek Skarlatos, Spencer Stone. 1H34. Sortie: 21/02.

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