à celles d’acteur et de réalisateur, Claude Langmann a rapidement ajouté la casquette de producteur, pour s’ériger en dernier nabab du cinéma français.

Baron du Septième art, parrain, dernier nabab: ces quelques surnoms donnent la mesure de l’impact considérable qu’a eu Claude Berri sur le cinéma français. Né sous une bonne étoile -passage du Désir, à Paris, cela ne s’invente pas-, Claude Langmann (bientôt rebaptisé Berri) tâte d’abord des planches, avant d’apparaître à l’écran, dans des seconds rôles, chez Becker et Autant-Lara notamment. Le succès se fait quelque peu prier, si bien que le jeune homme ne tarde pas à doubler son profil d’acteur de celui de réalisateur, et obtient la reconnaissance dès son premier court métrage, Le poulet, primé à Venise et oscarisé en 1963. Berri ne s’arrête pas en si bon chemin, et tourne ensuite Le vieil homme et l’enfant, un classique et l’une des dernières apparitions de Michel Simon à l’écran; un film qui inaugure aussi une veine semi-autobiographique, qui le verra remonter le fil de son existence de La première fois à La débandade, s’affichant des 2 côtés de la caméra au besoin. Réalisateur académique, Berri sait aussi se montrer éclectique: à côté de films à la première personne, le voilà qui s’essaye aux vastes fresques, comme le diptyque Jean de Florette/ Manon des sources, mais encore à divers projets singuliers, façon Tchao Pantin.

Le grand écart

Entre-temps, l’hyperactif Berri a ajouté à ses activités celles de producteur (il s’illustrera par ailleurs comme distributeur, président de la Cinémathèque française ou collectionneur d’art), terrain où il s’exprime avec bonheur. Au sein de Renn, sa société de production, Berri saura se jouer des clivages, se montrant aussi à l’aise dans le cinéma populaire que dans celui d’art et d’essai, au prix parfois de risques assumés. L’homme qui voue une fidélité indéfectible à Claude Zidi, dont il produit les comédies à la chaîne, ou qui s’acoquine avec Hervé Palud pour un fort dispensable Mookie, est aussi celui que l’on retrouve derrière des films de Maurice Pialat ( L’enfance nue), Patrice Chéreau ( L’homme blessé, dans lequel il apparaît par ailleurs, comme plus tard dans Stan the Flasher de Gainsbourg), Jacques Demy ( Trois places pour le 26) ou Noémie Lvovsky ( Les Sentiments).

Plus que la quadrature du cercle, on y verra la démonstration d’un art consommé de faire le grand écart entre comédies populaires promises au succès (à défaut, parfois, d’autre chose) et projets hors-normes, à l’instar encore de ce Tess qu’il fera avec Polanski, ou du Valmont qu’il produit pour Milos Forman. S’y greffe un flair bien souvent infaillible -qui d’autre que Berri pour produire coup sur coup, quelques mois avant sa mort, Bienvenue chez les Ch’tis de Dany Boon et La graine et le mulet d’Abdellatif Kechiche. C’est dire le gouffre laissé par sa disparition, en janvier 2009, à l’âge de 74 ans -celle d’un homme que la somme des activités aura érigé au rang de figure tutélaire du cinéma hexagonal; d’une autre époque, pour ainsi dire…

Jean-François Pluijgers

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