Classiques en musique

Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Beau retour des UFA Film Nights pour trois soirées magiques à Bozar.

La formule est aussi belle que gagnante: offrir au regard un classique du cinéma muet parfaitement restauré, et à l’écoute un accompagnement musical joué en direct. La cinquième édition des UFA Film Nights associe Bertelsmann, Bozar et la Cinematek pour trois soirées potentiellement fabuleuses, autour de films majeurs et presque centenaires signés Friedrich Wilhelm Murnau (Der Letzte Mann – 1924), René Clair (Paris qui dort – 1923) et Buster Keaton (Our Hospitality – 1923). Les sons « live » étant assurés par le Brussels Philharmonic sur une partition originale de Karol Beffa (Murnau), par Jeff Mills (Clair) et le Trio Grande (Keaton). On retiendra que l’orgue spectaculaire de la salle Henry Le Boeuf sera mis spécialement à contribution durant la projection de Der Letzte Mann, le jeudi 21 septembre. En se souvenant qu’à l’époque précédant le parlant, les grands cinémas avaient tous leur orgue sur lequel jouaient -en improvisant, souvent- des accompagnateurs chargés de soutenir l’action et l’émotion affichées à l’écran.

Caméra déchaînée

La sélection opérée par Bertelsmann, la société de production audiovisuelle à la base des UFA Film Nights, est singulièrement variée cette année. Un chef-d’oeuvre du drame social venu d’Allemagne, une perle poétique made in France et un sommet de la comédie burlesque venue des États-Unis se succéderont à Bozar. Le meilleur de trois genres, illustrant la richesse extraordinaire d’une période « muette » où l’art cinématographique fut porté vers des cimes d’inventivité. Der Letzte Mann est même, sur ce plan, une oeuvre particulièrement marquante. Murnau et son directeur de la photographie Karl Freund (futur réalisateur de The Mummy avec Boris Karloff) y développent la technique de la « Entfesselte Kamera », littéralement « caméra déchaînée ». L’engin, allégé, est placé sur un harnais porté par un opérateur, ou sur un support mobile. De quoi permettre des mouvements d’une fluidité inédite (le passage d’une porte-tambour, par exemple), parfois acrobatique (on grimpe des escaliers, on entre par une fenêtre). Murnau use aussi de la caméra subjective, épousant le regard du portier d’hôtel déchu joué par Emil Jannings. Paris qui dort offre des beautés rêveuses à un René Clair imaginant qu’un savant fou a inventé un rayon permettant d’endormir les habitants de la capitale française. Quelques rares « éveillés » déambulent dans la ville déserte, admirablement filmée. Our Hospitality propose pour sa part un crescendo burlesque où un Keaton comme toujours funambule se retrouve au beau milieu d’une querelle entre clans ennemis. Que du grand art, magnifié par les musiques d’artistes que l’urgence du direct saura porter eux aussi vers le meilleur, l’espace de trois soirées magiques.

UFA Film Nights: les 21, 22 et 23/09 à Bozar, Bruxelles. www.bozar.be

LOUIS DANVERS

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