POUR LEUR NOUVEL ALBUM, LES DANOIS D’EFTERKLANG SONT PARTIS ENREGISTRER LES SONS D’UNE ANCIENNE CITÉ MINIÈRE, AU-DELÀ DU CERCLE POLAIRE. SÉQUENCE FRISSONS.

« On n’est pas vraiment le genre de groupe à écrire chaque jour un morceau. On a besoin d’une sorte de cadre, d’un lieu capable d’enflammer notre imagination. A partir de là, on peut être très productifs. » Attablé à une terrasse ensoleillée, Rasmus Stolberg a la moustache souriante. Le bassiste est à Bruxelles pour parler du nouvel album de son groupe, le quatrième d’Efterklang. Le combo danois a toujours cherché le frisson musical, le plus souvent dans une sorte d’indie-pop mélancolique. Avec Piramida, il a encore poussé plus loin l’expédition, au-delà du Cercle polaire arctique. Plus précisément sur l’île norvégienne de Spitsbergen, dans l’ancienne cité minière russe de Pyramiden, désertée depuis 1998.  » La première idée était d’enregistrer dans les bois, en utilisant les bruits de la forêt. Mais un jour, un réalisateur suédois nous a proposé de tourner une vidéo à Spitsbergen. Il nous a envoyé des photos par e-mail. On a directement senti que c’était l’endroit qu’on cherchait! » Objectif: pas tant enregistrer des morceaux sur place que ramener un maximum d’idées et de sons pour.  » C’est une cité-fantôme. On est au milieu de la nature, mais en même temps, les traces laissées par l’homme sont partout: il y a un ancien hôpital, une piscine, une centrale électrique… Dans une ville « vivante », vous ne pouvez rien en capter, il y a trop de bruit. A Pyramiden, tout était silencieux. C’était une vraie plaine de jeux pour nous. »

Ghost town

Chaque disque est un voyage – » pour nous, le concept d’album reste quelque chose de sacré« . La musique vue comme une grande épopée picaresque, une expédition chez les Papous qui débuterait forcément par une phrase du genre: » Après une toilette sommaire et un frugal petit déjeuner, nos héros repartirent vers de nouvelles aventures. » Car c’est bien de cela qu’il s’agit.  » C’est vrai qu’on s’est lancés sans trop savoir dans quoi on mettait les pieds. Cela a pris un an et demi pour obtenir toutes les autorisation de la compagnie minière, puis encore un an et demi à monter le voyage. Une éternité. On a pensé un moment que cela ne se ferait pas. Finalement, on a réussi à se joindre à une équipe télé qui allait y tourner un reportage. Ce n’était pas plus mal en fin de compte. Vous savez, pour être honnête, aucun de nous n’est très « nature » (sourire). A la base, c’était même une idée stupide de se rendre dans un endroit pareil. On ne connaissait rien des techniques de survie, on n’avait pas de vêtements adaptés, on ne savait même pas comment monter une tente (rires) ! On nous avait même prévenus qu’il fallait emmener une arme avec nous. Pour les ours. Donc c’était pas plus mal d’être avec l’équipe (rires). »

Casper Clausen, Mads Christian Brauer et Rasmus Stolberg vont donc errer dans les rues de Pyramiden. Dans l’ancien centre culturel, ils découvrent un vieux piano. Le trio déambule surtout entre les installations minières, tape sur des structures métalliques, se glisse à l’intérieur de silos…  » Dit comme cela, on pourrait croire qu’on a réalisé un album de musique industrielle, un truc à la Einstürzende Neubauten. Mais ce n’est pas ce que vous entendez. Un titre comme Told To Be Fine est entièrement constitué de sons enregistrés à Pyramiden. Mais ailleurs sur l’album, il reste pas mal de vrais instruments. En fait, on est resté neuf jours à Pyramiden, mais on a passé ensuite neuf mois à Berlin à écrire les chansons et réaliser l’album. »

Si la ville-fantôme a influencé la musique, c’est donc probablement de manière plus subtile.  » Le but était d’essayer de transcrire ce sentiment d’espace que l’on peut avoir sur place. Etre assez courageux pour laisser les chansons respirer. On a essayé d’être plus patient avec la musique. » Rasmus ajoute:  » Quand vous vous retrouvez dans des lieux comme Pyramiden, deux impressions dominent. Vous réalisez d’abord que de tels endroits ne sont pas faits pour l’homme. La nature est trop forte. Ensuite, vous vous rendez compte à quel point la Terre est ancienne, et à quel point l’espèce humaine est jeune en comparaison, que votre propre existence est minuscule. Cela peut être terrassant. Personnellement, j’ai trouvé ça plutôt apaisant. Plus besoin de courir, de s’agiter. Vous vous sentez flotter, un petit point dans l’immensité du temps de l’Histoire. »

On comprend mieux certaines choses. Face à des décors aussi dramatiques et imposants, Efterklang aurait pu volontiers s’égarer dans le pompier. Le groupe a pourtant su rester à hauteur d’homme et de sa fragilité.  » Les textes, par exemple, restent très personnels. Gasper évoque notamment une relation foireuse. La métaphore qu’offre un lieu déserté comme Pyramiden est très utile en la matière. Dans une relation, vous bâtissez également des choses ensemble, parfois littéralement. Et puis soudainement, l’édifice peut s’écrouler. Votre histoire d’amour devient une ville-fantôme… »

RENCONTRE LAURENT HOEBRECHTS

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