Cinquante façons de manger son amant

L’an dernier, nous avions collisionné avec l’étrangeté poreuse d’Amelia Gray (par ailleurs aux manettes scénaristiques des séries Mr. Robot ou Maniac) avec Menaces, premier roman avançant à tâtons dans un deuil déboussolant. Mais l’autrice américaine a décidément plus d’une plante urticante à sa panoplie et ses nouvelles -ici, une quarantaine, en cinq pulsations- témoignent de son envie de pousser dans ses retranchements le pacte entre lectorat et démiurge qui écrit. Va-t-on aller jusqu’au bout du Coeur de la maison, où deux hommes en couple ne recourent aux services d’une prostituée que pour mieux l’enfermer dans le conduit d’aération? Ou de la nouvelle-titre, tout en crocs? Si le malaise s’instille souvent -mais ne lit-on pas pour être bousculés?-, Gray initie, par-delà la trivialité ou l’horreur et à sa manière férocement drôle, une réflexion sur la prédation, le désir ou la solitude. Dans son terrain de jeu retors, les gestes d’amour ne sont pas absents mais surviennent toujours aux endroits les plus incongrus (comme cette vieille dame qui tend les mains en coupe dans Le Pinson pour récolter le vomi de son interlocuteur, après l’avoir poussé à bout), et s’avèrent parfois tranchants ou décevants. Reste que même avec toute cette acidité aux lèvres, nous voyons luire son talent.

D’Amelia Gray, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Bru, éditions de l’Ogre, 216 pages.

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