RECUEIL DE TEXTES DE ALAIN BADIOU, ÉDITIONS NOVA, 420 PAGES.

Essai peu banal, assurément, Cinéma rassemble les textes consacrés par le philosophe Alain Badiou au Septième art, et compilés par les soins d’Antoine de Baecque, ancien rédacteur en chef des Cahiers. Soit la mesure d’une réflexion s’inscrivant dans la durée, puisqu’elle couvre une cinquantaine d’années, et s’est déployée dans des cadres divers, de la revue Vin nouveau, dans les années 50, à L’art du cinéma, tout récemment, en passant encore par La Feuille foudre ou Le Perroquet. A quoi il convient d’ajouter conférences et séminaires, comme celui qui, à Buenos Aires en 2003, vit le philosophe cinéphile se livrer, sous l’intitulé Le cinéma comme expérimentation philosophique, à une étourdissante synthèse de sa pensée.

Badiou n’avait pas attendu le XXIe siècle pour livrer, avec La culture cinématographique, le texte manifeste d’une réflexion dont la cohérence ne manque pas d’étonner. Ecrit de jeunesse, ce dernier est porteur, déjà, d’une exigence fondatrice, à savoir envisager le cinéma comme affirmation de la présence de l’homme. Une idée dont Alain Badiou ne dérivera pas (même si sa pensée adopte des contours fluctuants, notamment du temps des écrits d’intervention marxiste-léniniste) et qu’il déclinera au gré d’un abondant appareil critique -régulièrement nourrie au départ d’un film, sa réflexion englobe le cinéma classique, celui des Murnau et autre Renoir, comme son pendant contemporain, du Matrix des frères Wachowski à A Perfect World de Eastwood. S’y greffent bientôt d’autres leitmotive, relatifs par exemple au « plus-un des arts »: « Le cinéma est un art impur », martèle-t-il, voyant là une force et une fragilité.

 » Les films nous disent quelque chose sur le monde. C’est tout simple: « Le pire des mondes ne doit pas créer le désespoir«  », observe encore le philosophe. Avant de conclure notamment: « Il ne faut pas être désespéré. C’est ce que le cinéma nous raconte, je crois. Et c’est pourquoi nous devons l’aimer. Il peut nous écarter du désespoir si nous savons le regarder, le regarder comme une bataille contre le monde impur, le regarder comme une collection de victoires précieuses. »

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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