Cette brume insensée

Simon Schneider exerce le métier de « pourvoyeur officiel de citations ». Écrivain de l’ombre, son seul client n’est autre que Rainer, alias Grand Bros, frère tyrannique disparu dans l’anonymat new-yorkais pour y organiser stratégiquement le succès de ses romans. « Pendant vingt ans, l’auteur distant m’attribua dans les en-têtes de ses courriers le titre de conseiller, ou de subalterne, de subordonné, der Gehülfe (assistant en allemand), de gratte-papier, de simplet, de théoricien cryptique… » À la suite du décès de leur père, l’auteur culte fixe rendez-vous à Simon pour discuter héritage… Le livre emprunte son titre à une citation de Raymond Queneau: « Cette brume insensée où s’agitent des ombres, comment pourrais-je l’éclaircir? » Peut-être pas chez Vila-Matas, où l’art des citations et autres questions rhétoriques sur l’impossibilité d’écrire égarent régulièrement le lecteur. Manipulant les figures cachées de Thomas Pynchon ou Salinger, l’écrivain espagnol invite à une non-fiction avec le cap de Creus et Barcelone pour décors, comme un jeu de piste où serpente l’exercice de distanciation. Le lecteur averti prendra soin de se munir de patience. Faute de quoi, slalomant entre préambules et bavardage intérieur, il pourrait se retrouver éconduit.

D’Enrique Vila-Matas, éditions Actes Sud, traduit de l’espagnol par André Gabastou, 256 pages.

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