LE CHEF DÉCORATEUR PHILIPPE CHIFFRE A RÉALISÉ UN TRAVAIL DE TITAN SUR CLOCLO, RENDANT AUX SIXTIES YÉYÉ ET AUX SEVENTIES DISCO LEUR ÉCLAT D’ANTAN. ENTRETIEN.

Sept mois de repérages, 247 décors et plus de 200 personnes mobilisées par ces seuls aspects: Cloclo est d’ores et déjà le film de tous les records pour le bien nommé Philippe Chiffre. Fils du cascadeur Yvan Chiffre et d’une danseuse d’Arthur Plasschaert – » j’ai reconstitué les coulisses de l’ancien Olympia de mémoire« -, ce quinquagénaire a roulé sa bosse chez Kassovitz ( Assassin(s)), Beineix ( Mortel transfert) ou encore Guillaume Canet ( Les petits mouchoirs) avant de relever le défi Cloclo.  » Le film devait être conçu comme une montée graphique. Il fallait démarrer dans des tons pastel, grisés, représentatifs de sa jeunesse à Monaco, par exemple, pour aller progressivement vers quelque chose de plus en plus bigarré. Jusqu’à la fin de sa vie, en plein dans les années 70, où c’est une explosion de couleurs.  »

L’esprit plutôt que la lettre

Un résultat résolument chatoyant qui impliquait un imposant travail prospectif en amont.  » On a fonctionné comme un bureau de police, avec ses multiples enquêtes en cours. Il s’agissait de rassembler le maximum de photos de Claude François, de tous les studios d’enregistrement… J’avais une équipe de gens constamment au téléphone, ce qu’on appelle des régisseurs d’extérieur, qui recherchaient des guitares de l’époque, contactaient des collectionneurs partout en Europe… Et puis on a récupéré des objets en provenance de la famille ou d’amis qui nous les ont cédés juste le temps du tournage. Les repérages ont été très difficiles, il a fallu trouver des centaines de lieux pouvant servir pour les décors.  »

Cette partie de chasse à grande échelle s’accompagnant dans le même temps de toute une démarche de recréation voire de création pure et simple.  » J’ai tous les corps de métiers dans mon équipe, des serruriers, des tapissiers, des ensembliers, des peintres, des sculpteurs… Dans la vie de Claude François, il y a des choses qui n’étaient vraiment pas belles. Son appartement, par exemple, si on l’avait reconstitué à l’identique, ça n’aurait rien donné. Les murs étaient d’un bleu semblable à celui qu’on utilise pour incruster des choses en vidéo. Le sol pareil, c’était infilmable. Et puis il était trop petit pour que ça rende à l’image. Après j’avais des fans qui me suivaient et qui me disaient: « Mais la troisième icône à gauche à côté du lit, celle qui tient le petit bouquin dans la main, celle qui est rouge, vous l’aurez? Et le carrelage de la salle de bains, vous l’avez vraiment le même carrelage? » Il y en a même qui me donnaient la marque des robinets… Donc d’un côté il fallait que ça fonctionne chromatiquement, mais de l’autre il ne s’agissait pas non plus de décevoir les connaisseurs, il fallait qu’ils s’y retrouvent aussi. On a essayé de prendre le meilleur dans tout. Et puis Florent Emilio Siri voulait du relief, de la matière…  »

L’esprit plutôt que la lettre, donc, pour un film kaléidoscopique exigeant, à l’image de son protagoniste, un soin quasi maniaque du détail -« Cloclo comporte plus de 3000 plans, ce qui est faramineux pour un seul film, tout allait très vite, il fallait tout soigner parce qu’on ne savait pas ce qui allait être gardé« – doublé d’un constant souci de modernité.  » Quand on faisait un plateau télé, par exemple, on regardait toutes les émissions correspondant à la période, et avec Florent on choisissait les choses les plus intéressantes dans un esprit de synthèse, en les rendant aussi plus modernes. Florent a fait ce travail-là sur l’ensemble du film. Les musiques ont ainsi été retravaillées, accélérées, remasterisées comme aujourd’hui: tout a été fait pour prendre la claque qu’on prenait à l’époque. »

NICOLAS CLÉMENT

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