CLÉMENTINE MÉLOIS PUBLIE CENT TITRES CHEZ GRASSET, UN PREMIER LIVRE QUI, SANS EN ÊTRE VRAIMENT UN, EST TOUS LES AUTRES À LA FOIS! UNE GROSSE POILADE QUI RENOUE AVEC L’ART DU DÉTOURNEMENT, VERSION 2.0.

Le tout premier faux livre, et sa fausse couverture, Clémentine Mélois croit se souvenir qu’il s’agissait de La Jeune Parque de François Valery (et non plus Paul, pour les distraits) avec, déjà, tous les éléments qui allaient faire son succès -fou- sur les réseaux sociaux: une photo avec une esthétique de selfie, présentant une main tenant un livre, et un livre plus vrai que le vrai, exhibant l’exact détournement de la couverture d’origine. Son plus gros buzz viendra ensuite avec Maudit Bic de Melville, partagé par centaines et parfait exemple de sa culture pop, à la fois érudite, visuelle et comique. Et qui fait désormais l’objet, c’est le terme, d’un livre en contenant 100 autres. « 99 pour être précise, signale gentiment Clémentine. Il y a 99 titres, plus le mien, pour être fidèle aux 99 règles de style de Raymond Queneau. Quant au titre, il est lui-même une référence aux tableaux dits « sans titre », qui pullulent dans l’art contemporain. Moi-même je n’ai pas vraiment de « titre » pour qualifier mon travail. Je n’aime pas trop le terme de plasticien. « Artiste », plus personne n’ose le dire. Topor se définissait comme « déconneur »; ça me va. »

Hyper au point de Hervé Bazin, La Teucha de Colette, Cent ans de bolossitude de Gabriel Garcia Marquez… Tous ces livres figurant dans Cent Titres existent donc réellement: Clémentine Mélois exécute toujours ses oeuvres, même ses détournements, en plusieurs exemplaires. « J’aime l’idée des oeuvres originales mais reproductibles, c’est un acte militant, qui participe à la désacralisation de l’oeuvre. Quant au livre, c’est plus fort que moi: lorsque j’ai une idée, elle prend souvent la forme de pages qui se tournent. » Clémentine Mélois, fille d’artistes et elle-même prof de pratiques éditoriales aux Beaux-Arts de Nîmes, sera ainsi marquée par le travail des futuristes dans les années 60, tel Edward Ruscha et ses « livres-objets » ou livres d’artistes, oeuvres d’art en plusieurs exemplaires, donc éminemment subversives.

A kind of a « Huh? »

Une influence majeure qui, se mêlant à celles de Duchamp, de Broodthaers, des surréalistes ou de l’Oulipo, en dit un peu plus sur le travail rigolard mais réfléchi de Clémentine Mélois, dont Cent Titres n’est pour l’instant que la partie la plus visible de son travail d’artiste -elle a entrepris depuis, et par exemple, la création de sérigraphies de licences poétiques. Cette approche plastique et globale des codes du livre s’exprime d’ailleurs partout dans ce Cent Titres où rien, de la couverture aux citations, n’échappe à ses envies de détournement. Ainsi les épigraphes, où elle cite Ruscha: « I realized that for the first time this book had an inexplicable thing I was looking for, and that was a kind of a « Huh? ». » « C’est ce que je cherche à provoquer avec ce livre, explique encore l’artiste: que les lecteurs se disent « Hein? » en le parcourant. » Un peu de « hein? », et beaucoup de « hihi! », capables de réconcilier culture littéraire et populaire: cet hommage amoureux à la littérature ne s’apprécie vraiment qu’en connaissant, même un peu, les oeuvres originales. « Pourquoi changer de ton? J’aime le mélange décomplexé de toutes ses références. On peut parler de Broodthaers et de Richard Gotainer de la même manière, en restant la même personne. »

CENT TITRES DE CLÉMENTINE MÉLOIS, ÉDITIONS GRASSET, 222 PAGES.

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