Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

LE CINÉMA D’HORREUR AMÉRICAIN TRAVAILLE LES PEURS EN MODE INTIME OU SOCIAL, CREUSANT UNE VEINE PAS PRÈS DE SE TARIR…

The Conjuring

DE JAMES WAN. AVEC VERA FARMIGA, PATRICK WILSON, RON LIVINGSTON. 1 H 52. DIST: WARNER.

7

The Purge

DE JAMES DEMONACO. AVEC ETHAN HAWKE, LENA HEADEY, MAX BURKHOLDER. 1 H 26. DIST: UNIVERSAL.

5

L’un s’inscrit dans le passé, l’autre dans le futur. Mais tant The Conjuring que The Purge exploitent le filon de la peur, cette peur aux mille visages qui offre au cinéma un de ses matériaux les plus prisés depuis les premiers chefs-d’oeuvre fantastiques de l’expressionisme allemand dans les années 20. On sait ce que devait ce mouvement aux terreurs bien réelles de la Première Guerre mondiale, et ce que le triomphe des films gothiques du studio Universal (Frankenstein, Dracula et autre Loup-garou), au début des années 30, doit au contexte de la crise économique et des peurs bien réelles qu’elle suscitait dans le public. On ajoutera les rapports étroits entre le tsunami des films de monstres japonais des années 50 (emmené par Godzilla) et la panique post-Hiroshima d’un monde craignant l’annihilation nucléaire, pour conclure à l’existence d’une relation toujours forte entre cinéma d’horreur et contexte global. Allez-vous étonner, dès lors, que le genre prospère aujourd’hui comme jamais, en ces temps de crise économique mais aussi de menace terroriste portée depuis un certain 11 septembre au coeur même de cette Amérique dont viennent les films en question…

The Conjuring se place avec efficacité dans la lignée des films de possession démoniaque dont The Exorcist (1973) fut et reste l’emblème, en même temps que son titre affiche la mission même d’une écrasante majorité des productions d’horreur: exorciser les peurs bien réelles du public. Réalisé par l’habile et prolifique transfuge sino-malais James Wan (Saw, Dead Silence, Insidious), le film joue la carte désormais bien connue mais toujours séduisante de la fausse histoire vraie, mêlant une supposée reconstitution des faits à une mécanique visant avant toute chose à provoquer des frissons. L’histoire n’est guère originale, où une famille emménage dans une maison hantée, se voit persécutée par une entité maléfique, et fait appel à un couple de spécialistes en chasse au démon. Mais la cuisine faite avec de vieilles recettes dans de vieilles casseroles peut être savoureuse. La peur est bel et bien au rendez-vous! Alors qu’elle fait défaut à The Purge, thriller futuriste imaginant des Etats-Unis refondés sur un pouvoir fort et des rituels sacrificiels (coucou The Hunger Games…). L’idée d’une nuit chaque année où tous les crimes sont autorisés pour « purger » la société n’est pas inintéressante. Mais le traitement qu’en donne le film, autour d’un huis clos paranoïaque, n’est qu’effets appuyés, cruauté complaisante et simplification morale. Horreur rime ici avec erreur.

LOUIS DANVERS

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