Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

TROIS ANS APRÈS L’ESSENTIEL CROOKS & LOVERS, LE DUO MOUNT KIMBIE FILE DE NOUVEAU LE BLUES. ÉLECTRO, URBAIN, À LA FOIS CÉRÉBRAL ET VISCÉRAL. C’EST BEAU UNE VILLE LA NUIT…

MOUNT KIMBIE

« COLD SPRING FAULT LESS YOUTH »

DISTRIBUÉ PAR WARP.

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Le titre du clip: Carbonated. Le scénario: celui d’un retour de fête. Le jour se lève lentement, et chacun repart seul, le regard hagard, fatigué des excès des heures précédentes. Les rues désertes. Le premier bus. La circulation encore en pointillés. La lumière ténue. Puis enfin, home sweet home, le saut dans le lit, et les images de la soirée qui remontent à la surface.

Rarement on aura mis aussi bien en images les errances de fin de nuit. La vidéo illustre aussi parfaitement la musique de Mount Kimbie (lire portrait page 44). Pas seulement leur titre Carbonated, mais bien leur esthétique générale. Soit une électronica nocturne pleine de soul, à la fois chaude et rugueuse, qui évoque plus la vie des clubs qu’elle n’y est jouée… « Ce n’est pas faux, confirme Kai Campos, moitié du duo British. Je peux compter sur les doigts d’une seule main les fois où j’ai entendu notre musique en boîte. Pour une bonne raison: cela ne marche pas. Rien que la manière dont on la mixe n’est pas adaptée à cet environnement. Après, le club est un endroit qui nous influence forcément. Ce n’est pas le seul, mais il est important. Spécialement au Royaume-Uni où la dance music a amené pas mal d’innovations. Avec le paradoxe de tomber aussi dans l’extrême inverse, de devenir une formule. »

Culture club

Une formule, c’est précisément ce que semble incapable de façonner Mount Kimbie. Adeptes de l’accident, du hasard heureux et de la sérendipité, Kai Campos et Dominic Maker ont formé leur duo à l’unif, avec un but: rejoindre les troupes dubstep, dernière révolution musicale en date du côté de la Perfide Albion. Un poil maladroits, dixit les intéressés, ils ne pourront cependant s’empêcher de tordre le genre. Crooks & Lovers, leur premier album sorti en 2010, n’en fera pas moins grosse impression. A l’instar de James Blake, qu’ils connaissent bien, on parlera de post-dubstep.

Trois ans plus tard, Mount Kimbie achève de décoller cette dernière étiquette, en repartant d’une feuille blanche. Kai Campos: « On a pas mal tourné après la sortie du disque. Pendant deux ans, on a quasi rien composé. Cela ne m’était plus arrivé depuis mes quinze ans. » Le duo s’est donc remis au boulot, signé désormais sur le label-référence Warp, en profitant pour changer deux, trois habitudes. Pour ce nouveau Cold Spring Fault Less Youth, ils se sont adjoint par exemple les services d’un vrai batteur, et ont pris pour la première fois eux-mêmes le micro. « Je peux accepter que je suis musicien. Chanteur, c’est plus compliqué. Mais je ne rajeunis pas (Campos a 27 ans -ndlr), il était temps de se lancer, de se faire peur. » A également été invité le jeune King Krule, gouaille cockney de clébard vagabond, qui donne franchement les jetons (You Took Your Time). Il colle en tout cas bien aux paysages sonores dessinés par Mount Kimbie, de moins en moins typés. Dubstep en partie, électroniques en tout cas, mais plus encore inspirés par la liberté et les atmosphères du jazz. La pochette, aussi abstraite et énigmatique que le titre, rappelant d’ailleurs le graphisme minimaliste des meilleurs disques de Blue Note ou Impulse…

EN CONCERT LE 16/08, AU PUKKELPOP.

LAURENT HOEBRECHTS

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