Brussel arrive

Le rap belge ne bouge pas que du côté francophone. La ola pour Stikstof, héros d’un rap bruxellois, en néerlandais dans le texte, aussi fendard que tendu.

De la vague rap belge actuelle, on a souvent mis en avant la solidarité. Au lieu de se tirer dans les pattes, et de répéter les éternels conflits d’ego, la génération actuelle aurait appris l’art de la collaboration. L’union fait la force? Les rappeurs made in Belgium appliquent le mot d’ordre national à la lettre, se poussant les uns les autres vers l’avant. Y compris en sautant par-dessus la frontière linguistique. Rarement, elle n’aura semblé en effet aussi poreuse. Alors que le rap reste pourtant l’exercice qui, plus que tout autre, s’appuie sur la langue, il n’hésite pas à jouer le mélange. On l’a vu lors des concerts Niveau 4, qui associaient rappeurs flamands et francophones. Récemment, cela a donné aussi cette séquence hautement improbable: celle où, invité par Roméo Elvis, Zwangere Guy s’est retrouvé à balancer son Vlaamse flow en direct sur l’antenne parisienne de Skyrock!

En 2016 déjà, c’était l’inverse. Juste avant l’emballement général, Roméo Van Laeken s’infiltrait sur Dobberman, un morceau de Stikstof, au sein duquel officie le Guy enceinte. Deux ans plus tard, le groupe flamand bruxellois est de retour, avec Overlast. Un album tellement maîtrisé, brut et truculent à la fois, qu’il devrait convaincre jusqu’aux plus réticents à la langue de De Jeugd van Tegenwoordig.

Cela étant dit, on aurait tort de réduire Stikstof à son exotisme « flamand ». D’ailleurs, le crew formé par Zwangere Guy (Gorik Van Oudheusden), Jazz (Jasper De Ridder), Astro (Paulo Rietjens) et Deejay Vega (Joris Ghysens) est d’abord et avant tout un groupe bruxellois. Un crew de ketjes qui a été autant biberonné à Nas qu’à Lunatic ( « MC Solaar, de eerste plaat die ‘k van m’n vader kreeg », raconte Jazz sur Zoizo). Sur le morceau Overlast, Vega mélange encore les samples tirés de différents reportages, en français, néerlandais et bruxellois dans le texte (que l’on dirait parfois tirés d’un épisode des Snuls).

Brussel arrive

Tout en se montrant plus personnel et intime que jamais, Stikstof monte en permanence aux barricades pour défendre sa ville. C’est que BX a dégusté ces dernières années, donnant volontiers l’image d’une ville au bord de la crise de nerfs. À l’une ou l’autre exceptions près (le plus funky Zoizo), le beat est donc aride, les ambiances sombres (le grinçant Resonantie et son groove déstructuré), les grooves carrément plombés ( Gele blokken). Roulant en « Skoda vers le barrio », Stikstof file à travers une ville groggy, « critiquée par des gens qui n’y mettent jamais les pieds » ( DEF). Si Stikstof a la zwanze mélancolique, il n’en reste pas moins combattif ( » Fuck the NV-A en het hele wespenest », ose Zwangere Guy sur 1000 Milligram), rejetant les murs et les anathèmes ( « Noem niemand zwaart schaap of boeman« ).

Alors que les rappeurs francophones ont majoritairement pris le parti d’évacuer les poses les plus revendicatives, la fraternité Stikstof ose ainsi au contraire ruminer des rimes plus politiques. Et de tirer le portrait d’une ville, comme peu l’ont fait avant eux.

Stikstof

« Overlast »

Distribué par Frontal.

8

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