Fini Sparklehorse et Lynch, c’est avec James Mercer (The Shins) que Danger Mouse a décidé de s’amuser. Manifeste pop, Broken Bells bourgeonne d’idées et sonne l’arrivée du printemps.

Avec sa grosse touffe de poils sur la tête – le lascar a le même coiffeur que Fellaini et les Jackson 5 – et sa classe tout en décontraction, Brian Burton est la coolitude faite homme. Branché mais pas branchouille, Danger Mouse a façonné avec une poignée d’autres, de James Ford (Klaxons, Arctic Monkeys, The Last Shadow Puppets) à Pharrell Williams (Kelis, Britney Spears, Justin Timberlake, Madonna) en passant par David Sitek (Yeah Yeah Yeahs, Liars, Foals, Telepathe), le son des années 2000. Comme le leader de Simian Mobile Disco, le NERD en chef ou le sorcier de TV on the radio, BB incarne une nouvelle génération de producteurs. Ceux qui ne peuvent se contenter des studios et des manettes. Ceux qui agissent et avancent. Ceux qui font.

Danger Mouse défie l’inertie. Monte ses propres projets. Toujours avec le même flair quand il s’agit de bien s’entourer. Cee-Lo Green (Gnarls Barkley), MF Doom (Danger Doom), Sparklehorse (Dark Night of the soul)… Danger Mouse sait choisir ses équipiers. Alors que le printemps et Pâques approchent, c’est avec James Mercer que Burton sonne les cloches. Associé à la tête pensante des Shins à qui l’on doit sans doute avec Chutes too narrow l’un des meilleurs disques pop de la décennie écoulée, « mister good vibes » a mis en boîte le premier album de Broken Bells.

James Mercer est du voyage à Amsterdam pour défendre l’affaire mais c’est la souris qui tient le crachoir. Rencontre exclusive avec le Speedy Gonzales de la pop moderne. Ay caramba. Grosso Mineto…

A quand remonte la naissance de Broken Bells? Comment vous êtes-vous lié d’amitié?

On a fait connaissance à Roskilde en 2004 juste avant un concert des Shins. J’étais fan de leur album Chutes too narrow mais on s’est croisé par hasard. Parce que j’avais oublié un truc dans le coin. J’étais tout seul. Je me produisais au Danemark en tant que DJ et j’ai assisté à leur concert des coulisses.

James et moi nourrissons des goûts relativement similaires. A Roskilde, on a un peu parlé musique mais on allait surtout voir des groupes. Je pense notamment avoir regardé un concert de Morrissey. Quand ils ne nous plaisaient pas, on décidait de se barrer et on tapait la discute. On glandouillait ensemble. Ça n’a pas tout de suite été la grande osmose. On a appris à se connaître au fil des festivals. Tout doucement. A l’époque, je bossais sur le premier Gnarls Barkley et je commençais à travailler avec Gorillaz. L’idée d’un disque est un jour venue sur le tapis. James et moi avons souvent pas mal de trucs sur le feu mais à un moment il faut prendre le temps de faire les choses. D’ailleurs, Broken Bells, c’est un vrai groupe. Un projet auquel on tient énormément et qu’on va défendre sur la route. Nous avons déjà réuni des musicos et répété. Des amis d’amis. L’un d’entre eux par exemple joue avec Bright Eyes.

A quoi a ressemblé votre collaboration?

C’est tout simplement l’enregistrement le plus agréable auquel il m’a été donné de participer jusqu’ici. Nous n’avions rien préparé ou prémédité. Nous sommes entrés en studio et au bout d’une heure, nous avions déjà une chanson. Il n’a jamais été question de compromis. Cet album, ce n’est pas juste nous qui essayons de faire de notre mieux. Nous nous vouons un tel respect mutuel qu’aucun de nous 2 ne voulait entendre sur ce disque la moindre chose dont l’autre ne soit pas pleinement convaincu. D’un côté, on a pu miser sur notre expérience, notre maturité et de l’autre on redevenait de vrais gamins lors de l’enregistrement. Vous savez, je me débrouille avec pas mal d’instruments mais je ne me considère pas comme un grand musicien. En même temps, ça débouche sur des accidents heureux. Ça singularise. Il ne faut pas être un virtuose pour écrire de super chansons.

Vous avez développé une formule mathématique qui résume vos goûts musicaux. Pouvez-vous nous l’exposer?

(Danger Mouse se retourne vers James Mercer) Je ne t’ai jamais parlé de la théorie des tiers? J’aurais mieux fait de garder ça pour moi (rires). C’est très simple en fait. J’ai remarqué que quand j’apprécie un artiste, j’adore un tiers de son boulot. Le deuxième me laisse perplexe même si je vois grosso modo où il veut en venir. Et pour le dernier, je me demande sincèrement ce qu’il fout. Enfin, là je parle de chanteurs et de groupes que j’aime vraiment. Les seuls qui échappent à la règle, ce sont les Beatles. Chez eux, c’est du fifty fifty.

Vous êtes quelqu’un de très demandé. Comment faites-vous le tri parmi les nombreuses propositions qui arrivent sur votre bureau?

La seule personne avec qui j’ai accepté de travailler, c’est Damon Albarn. Tout simplement parce que ça ne se refuse pas. Je suis quelqu’un de très méfiant. Pour beaucoup de monde, j’ai longtemps été et je reste même encore le mec qui a mis en boîte le Grey Album. Or, ce n’est pas du tout représentatif de ce que je fais et de ce que je suis. Je me sens un peu frustré parce que j’ai parfois l’impression qu’on rattache tout ce que j’enregistre au hip hop. Même Gnarls Barkley. Je n’aime pas du tout l’idée que des mecs veuillent bosser avec moi pour de mauvaises raisons. Pour avoir un nom un peu clinquant sur la pochette de leurs disques. Je n’y vais donc pas par 4 chemins. Quand je veux bosser avec quelqu’un, je me manifeste. Généralement, dès le moment où je ressens certaines attentes, j’essaie de partir vers quelque chose de fondamentalement différent. Ça ne veut pas dire que j’enregistrerai un meilleur album. Juste qu’il sera surprenant.

Il se dégage de ce Broken Bells une production à la fois moderne et old school. C’était quoi l’idée?

On écoute beaucoup de vieux disques mais on a 30 voire 40 ans de musique en plus à se mettre dans l’oreille que tous les groupes des années 60 et 70. On n’essaie pas de sonner rétro. C’est juste une question de feeling. D’instinct. On ne s’assied pas en se disant: tiens, on va composer ce genre de chanson. Une fois qu’elle est en boîte, tu peux te dire qu’elle a un petit air de tel ou tel groupe mais ce n’est jamais quelque chose de délibéré.

Dark Night of the soul, l’album que vous avez enregistré avec Sparklehorse, était à télécharger et graver sur un CDR vierge accompagnant un livre de photos de David Lynch. Vous imaginez que, dans quelques années, les disques accompagneront tous des bouquins ou des £uvres d’art?

Je n’ai pas de boule de cristal. Je ne sais pas lire dans l’avenir. Tout ce que je peux affirmer, c’est que je suis attaché aux objets et que je le resterai. Et je ne suis pas le seul. Une vraie photo que vous pouvez tenir dans vos mains, c’est différent d’une image sur votre écran de télé ou d’ordinateur. J’ai acheté un polaroïd à mon fils. Il en est dingue. C’est génial de prendre une photo. De la secouer et de voir apparaître le cliché. Ça a quelque chose de magique.

Rencontre Julien Broquet

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