Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

SECOND LIFE OF BRIAN – RETOUR INESPÉRÉ DE BRIAN ENO POUR SON MEILLEUR DISQUE DEPUIS LES… SEVENTIES.

« DRUMS BETWEEN THE BELLS »

DISTRIBUÉ PAR ROUGH TRADE.

C’est le 45e album d’Eno, en solo ou dans une collaboration étroite, comme celle menée sur cet album avec Rick Holland, poète a priori inconnu de nos services. Les personnages se croisent une 1ère fois aux confins des années 90-2000 dans l’un de ces projets transversaux que le parrain de l’ambient décline volontiers entre 2 productions à gros budget (U2, Coldplay). Ce Map-Making Project donne à Eno l’impression que les phrases sculptées par Holland vibrent à sa musique: un premier enregistrement réalisé en 2003 confirme l’intuition première, mais rien n’en sort alors. En mai 2010, la paire s’investit dans une installation à la Marlborough House de Londres où elle croise une nouvelle fois sons et textes dans un duel pacifique, sans vainqueur pressenti. Drums Between The Bells est l’enfant ou le cousin de cette dernière expérience, mettant très en avant pas moins de 8 voix différentes. Elles se partagent entre des parties chantées et des moments purement narratifs, qui contrastent fortement d’une plage à l’autre. C’est sa non-linéarité qui rend le disque intrigant: en sautant les genres, Eno désamorce la prévisibilité et stimule l’imaginaire, nous rapprochant du c£ur des sons-collages régulièrement épanouis en chansons.

Pastoral

Ainsi, cette séquence entre Glitch et Dreambirds: on y passe d’un moment qui évoque l’héritage de Kraftwerk -mais « vulgarisé » par le fuzz d’un orgue gras- à une récitation posée de Caroline Wildi. Cette actrice possède un larynx extraordinairement ressemblant à celui de Marianne Faithfull, d’où ces graves qui remplissent toute la pièce même lorsque l’accompagnement atteint le degré zéro invasif. Les mots d’Holland apparaissent alors comme des grappes organiques qu’on détacherait d’un arbre électro réduit à sa plus simple expression: l’effet est saisissant. Si le disque emprunte des sonorités diverses, Brian Eno y retrouve une forme de simplicité mélodique, presque pastorale, qui rappelle ses chefs-d’£uvre des seventies: Another Green World (1975) ou Before And After Science (1977), l’un des albums les plus articulés de l’histoire de la mélancolie. Eno, lui même, couche sa voix sur pas moins de 5 plages, renouant avec toute son inspiration d’antan . Et confirmant que c’est là son disque le plus intéressant depuis au moins une génération. l

PHILIPPE CORNET

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