Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

L’ENTHOUSIASTE LEADER DES FOO FIGHTERS RACONTE UNE CERTAINE HISTOIRE DE LA MUSIQUE AMÉRICAINE, EN HUIT VILLES, DE CHICAGO À LA NOUVELLE-ORLÉANS. VIBRANT.

Sonic Highways

DE DAVE GROHL. AVEC BUDDY GUY, CHUCK D, JAMES MURPHY,…. 9 H. DIST.: SONY.

7

Comment faire quand, depuis plus de 20 ans, on joue dans un groupe de rock qui enchaîne les hits, et remplit régulièrement des stades? Si Dave Grohl, leader des Foo Fighters et ancien batteur de Nirvana, semble s’être toujours préservé des grandes questions existentielles -peut-être parce qu’il est bien placé pour savoir quel en est parfois le prix-, il n’a pas pu échapper à celle-là. Comment maintenir la flamme et l’enthousiasme?

Avec Sonic Highways, Dave Grohl a trouvé une parade. Pour leur huitième album studio, les Foo Fighters ont enregistré huit morceaux, dans huit villes américaines différentes. Prolongeant la manoeuvre, Grohl en a également profité pour tourner une série documentaire, s’intéressant à l’identité et le passé musical de chacune des cités visitées. Ce n’est pas la première fois que Grohl dirige un docu: avec Sound City, il s’était déjà attardé sur l’histoire du studio du même nom, à Los Angeles, là où Nirvana avait enregistré Nevermind. Produit et diffusé par HBO, Sonic Highways repart donc sur les mêmes bases. Mais en voyant nettement plus grand.

Sorte de carnet de route musical, Sonic Highways fait arrêt à Chicago, Washington, Nashville, Austin, Los Angeles, la Nouvelle-Orléans, Seattle et New York. A chaque fois, Grohl sert de guide, racontant l’héritage musical du lieu, à l’aide d’un paquet d’images d’archives, de bouts de clips, d’interviews, s’arrêtant dans un studio en particulier -chaque épisode se terminant par le morceau, composé et enregistré sur place.

Parfaitement à l’aise dans son rôle de « mec sympa », über-dude pas chichiteux pour un sou, Grohl est d’abord un excellent raconteur d’histoires. Certes, l’homme a ses partis pris (par exemple quand il parle de Chicago sans signaler qu’y est née la house music). Mais c’est aussi ce qui donne toute sa saveur à une série qui, aussi érudite soit-elle, n’avait de toutes façons probablement jamais prétendu à l’exhaustivité. A cet égard, l’un des numéros les plus réussis est aussi le plus personnel: celui consacré à la scène punk-hardcore de Washington, qui a formé les goûts et l’attitude de Grohl.

Dit comme cela, Sonic Highways pourrait donner l’impression de n’être qu’au service de la gloriole personnelle du leader des Foo Fighters. S’il en est l’incontestable fil rouge, Grohl s’efface pourtant devant les autres intervenants, qu’il s’agisse des autres membres du groupe, ou de l’impressionnant panel d’interviewés -de Thurston Moore à Chuck D, de Dolly Parton à… Barack Obama. Dans le dernier volet consacré à New York, par exemple, le patron n’apparaît quasi pas -réussissant au passage à rendre passionnant un sujet que l’on pensait à la fois trop vaste et complètement rabâché.

Sonic Highways dépasse ainsi le simple exercice marketing, tant redouté. Il n’est certainement pas sans défaut: outre les sous-titres français désolants, l’exercice est parfois trop scénarisé, et le ton avec lequel la fibre patriotique américaine est agitée trop pompeux, voire cheesy.

Il n’empêche: boostée par un montage nerveux, et un enthousiasme palpable, la série se pose dans ses meilleurs moments comme une vibrante odyssée d’une certaine musique populaire américaine.

LAURENT HOEBRECHTS

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