Bons, brutes, truands…

Cinéaste culte, Alex Cox revisite l’histoire haute en couleurs du western italien dans une anthologie érudite et subjective. Un régal.

On doit au cinéaste britannique Alex Cox une poignée de films culte sur lesquels soufflait généreusement un esprit punk: Repo Man, qui suivait un récupérateur de voitures au son de Iggy, Circle Jerks et Black Flag, Sid and Nancy, où Gary Oldman campait Sid Vicious, ou encore Straight to Hell, où l’on croisait Joe Strummer, Elvis Costello et Shane MacGowan parmi d’autres. Tourné en 1986, ce dernier se voulait un hommage à Tire encore si tu peux, exemplaire contribution, une vingtaine d’années plus tôt, de Giulio Questi au genre alors florissant du western spaghetti. Une appellation à laquelle Cox, qui s’en est fait depuis l’exégète, préfère celle moins péjorative de western italien, auquel il a consacré, sous le titre 10.000 façons de mourir, une anthologie aussi érudite que subjective enfin disponible en français.

L’intérêt de ce pavé de 624 pages est multiple: comme le précise son sous-titre, c’est le point de vue d’un cinéaste, avec ce que cela peut supposer comme éclairages précieux. Mais surtout, l’auteur, sans prétendre à l’exhaustivité -il s’est tourné des westerns italiens par centaines, d’un intérêt souvent moins qu’anecdotique- propose une vision panoramique d’un genre dont il remonte aux sources ( Yojimbo de Kurosawa, en particulier) pour s’étendre sur son âge d’or, au coeur des sixties, mais encore en étudier aussi bien les enjeux créatifs ou économiques que les ramifications innombrables (du western tortilla, censé se dérouler pendant la révolution mexicaine, au western forain, qui en amorcera le déclin). Le tout en s’appuyant sur un savoir qui, pour être à l’évidence encyclopédique, évite judicieusement de se prendre trop au sérieux, Cox adoptant souvent un ton grinçant de circonstance certes pas étranger au plaisir de lecture. Où d’autre, par exemple, trouver un descriptif laudatif comme celui de l' » admirablement cynique et distancié » Les Tueurs de l’Ouest d’Eugenio Martin:  » Meurtres insensibles et scènes de torture peuplent ce film où un héros antipathique doit se mesurer à un ennemi répugnant, dans un bled peuplé d’imbéciles et de dupes. »

Bons, brutes, truands...

10 000 façons de mourir n’est cependant pas qu’un catalogue d’appréciations plus ou moins ironiques servies par des images fleuries. Si ses partis pris sont parfois discutables (il ne rate pas une occasion de flinguer Clint Eastwood, par exemple), Cox, au-delà des incontournables Sergio, Leone et Corbucci, figures tutélaires sur lesquelles il s’attarde à raison, a aussi le don d’aller débusquer les pépites les plus improbables, non sans raccorder à leur époque des films dont il veille notamment à proposer une lecture politique. Pour conclure, à bon droit, à  » une période bénie pour les cinéastes« . Mais aussi les bons, les brutes et les truands…

10 000 façons de mourir

D’Alex Cox, éditions Carlotta, traduit de l’anglais par Alexandre Prouvèze, 624 pages.

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