Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

COTON CLUB – ALBUM APRÈS ALBUM, SIMON GREEN, ALIAS BONOBO, PERFECTIONNE SON ART, CELUI D’UNE MUSIQUE ÉLECTRONIQUE SENTIMENTALE AU GROOVE CAPITEUX.

« THE NORTH BORDERS »

DISTRIBUÉ PAR NINJA TUNE. EN CONCERT LE 29/05, À L’AB, BRUXELLES (COMPLET); ET LE 18/07, AU DOUR FESTIVAL.

Parfois une image vaut mieux qu’un long discours. Pour son album précédent, Black Sands paru en 2010, Bonobo filait la parfaite métaphore. La pochette -une antenne-relais plantée au beau milieu d’une forêt, touffue, compacte- illustrait à peu près tout ce qu’il fallait savoir sur son travail. Soit une musique électronique qui sonne organique, une matière luxuriante qui pour être construite à partir de machines n’en reste pas moins sensible et élégamment fragile.

Avec The North Borders, Bonobo reste fidèle à cette esthétique. Il la pousse juste encore un peu plus loin. Même abstrait, l’artwork de l’album peut également livrer l’un ou l’autre indice sur l’humeur du jour: soit celle d’un disque profondément charnel, aux couleurs vert nuit, puisque c’est bien entre chien et loup que semblent se dérouler l’action, et surtout la trame sentimentale, de The North Borders.

C’est déjà le 5e album de Simon Green, né il y 36 ans dans la campagne anglaise, installé aujourd’hui à New York. Sans faire de bruit, avec une patience minutieuse, il a affiné toujours davantage ses paysages downtempo. L’exercice est moins aisé qu’on ne le croit souvent. Comment trouver le bon équilibre? Essayer la douceur sans tomber dans la mollesse? Avancer au ralenti en maintenant l’attention? Ou encore réussir à tisser des trames accueillantes et chaleureuses sans tomber dans l’easy listening ou la musique d’ascenseur? Avec une maîtrise d’équilibriste, les albums de Bonobo évitent les différents panneaux, les uns après les autres. Musicalement, les textures sont par exemple de plus en plus complexes. A cet égard, The North Borders est particulièrement élaboré et étoffé, sans tomber dans le précieux. Ou le lénifiant. Il y a quelque chose de particulièrement jouissif dans la mélancolie soul, distillée tout le long de l’album qui, hormis quelques exceptions (comme First Fires et ses cordes dramatiques en ouverture), aime le flou cotonneux. Bonobo, ce n’est jamais l’amour vache, plutôt l’amour vague.

The North Borders est également un disque profondément urbain, et surtout nocturne: il y a par exemple du Burial dans des morceaux comme Emkay ou Know You. L’album résume aussi à la perfection les différentes couleurs que peut prendre aujourd’hui un groove quand il se veut languide. L’excellent Cirrus fera forcément penser à du Four Tet, tandis que Antenna et ses vibes tropicales aurait pu trouver place sur le nouvel album de DJ Koze. Sur Heaven For The Sinner, la divine Erykah Badu « badouise » comme elle seule peut le faire, sereine et tranquille sur un beat grésillant à la Flying Lotus. Ces références multiples empêchent Bonobo d’être tout à fait original, mais lui donnent aussi sa pertinence et sa modernité. Alors, certes, Bonobo ne sera peut-être jamais le producteur le plus spectaculaire. Mais il est certainement l’un des plus attachants.

LAURENT HOEBRECHTS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content