TRÉMOLO DRAMATIQUE DANS LA VOIX, L’AMÉRICAINE ANGEL OLSEN CHANTE LES VERTIGES DE L’AMOUR. AU MENU, VINAIGRE FOLK, SECOUSSES ROCK ET, AU BOUT DU TUNNEL, LA LUMIÈRE. BURN, BABY, BURN!

Préambule. Sur la scène du Kings of Comedy Club, ce soir-là, le camarade Guillermo Guiz dégoupille la vie de trentenaire célibataire, entre coups d’éclat, errances et fulgurances. Extrait: « La vie tout seul n’a pas de sens. Mais la vie en couple n’a pas d’intérêt. » Rires, applaudissements, rideau…

Le lendemain, fin de journée. Changement d’ambiance. Angel Olsen est calée dans sa chaise, les cheveux longs, le regard lointain. Elle a ce même visage impénétrable qu’elle promène sur ses vidéos et qui contraste avec sa voix. En l’occurrence, un feutre chargé, sépulcral, sinueux, qui peut faire penser tantôt au velours d’Hope Sandoval, tantôt à la dramaturgie d’un… Roy Orbison –« I feel so lonely I could cry », hulule-t-elle sur Hi-Five.

A 27 ans, Angel Olsen vient de sortir son 2e véritable album, Burn Your Fire For No Witness. La matrice de départ est volontiers folk, filant vers une certaine forme de country gothique -elle a tourné et collaboré avec Bonnie Prince Billy. Mais pas seulement. Il y a également des relents plus rock, voire des réminiscences grunge (Hole) dans un titre comme Forgiven/Forgotten. Le fil rouge étant cette voix et les histoires qu’elle raconte. Des petites tragédies amoureuses à démonter –« Everything is tragic, it all just falls apart » (White Fire). Des plaies ouvertes qu’Olsen essaie de dépasser plus que panser –« Burn your fire for no witness, it’s the only way it’s done ». Il ne faudrait pas malgré tout sonner trop ampoulé et funeste. Visage impassible de sylphide, la jeune femme est la première à dégoupiller le pathos: « Are you lonely too? », demande-t-elle, avant de toper là. Et de s’exclamer: « Hi-five! So am I »… (le morceau Hi-Five)

Histoires d’a.

Elle n’appuie pas davantage sur cet élément fondateur de sa biographie: à l’âge de 3 ans, Angel Olsen a été adoptée par la famille d’accueil qui en avait la charge jusque-là. La suite du parcours se déroule dans ce foyer aimant, du côté de St-Louis, Missouri. Elle explique comment la musique a toujours été présente, naturellement dans l’air. « Petite, je chantais tout le temps, des trucs de la radio, ce que j’avais en tête. Mes parents m’ont tout le temps encouragée à prendre des leçons de chant ou de piano. » Mais les cours ne sont pas trop son truc. « Au lieu de lire les partitions, je mémorisais les suites d’accords. J’avais la feuille devant moi, je faisais semblant de la lire, alors que je la rejouais à l’oreille. Ce qui frustrait très fort ma prof de piano… »

Ado, elle attrape une guitare et commence à écrire ses premières chansons, en même temps qu’elle engrange et accumule les connaissances musicales. « Les potes avec lesquels je traînais étaient souvent plus vieux, ou étaient considérés comme des intellos ou des snobs. Le genre de gamins qui rendaient les profs fous. Mais ils m’ont montré pas mal de musiques: Stereolab, Broadcast, Sparklehorse, Leonard Cohen… Les mecs du magasin de bricolage dans lequel je bossais m’ont aussi fait découvrir plein de choses. On se marrait bien. On se foutait des clients qui faisaient la file de grand matin, avant l’ouverture des portes. Tout ça pour venir acheter des boutons ou une pelote de laine d’une certaine couleur (rires). Aujourd’hui, je comprends mieux (sourire). »

A défaut de se lever aux aurores, l’ado Olsen passera ses soirées et ses nuits à triturer ses premiers morceaux. Plus tard, elle n’aura pas vraiment de doute sur le chemin à emprunter. « J’aurais pu me lancer dans des études de droit, mais je me serais menti à moi-même. Je savais que je voulais me consacrer à la musique, quitte à devoir me contenter d’un job alimentaire et d’une vie très frugale. » C’est dit sans affectation, moins comme une profession de foi que comme la chose la plus naturelle au monde. « J’essaie juste d’utiliser ce que j’ai appris, les situations que j’ai traversées, et de les mettre en musique, en essayant de les rendre intéressantes. » Elle le fait avec cette drôle de distance, mélange de détachement et de sensibilité à fleur de peau. « Il s’agit de vivre sa vie. Pas dans le sens carpe diem, en la remplissant de 1000 choses pour être sûr de ne rien louper. Pour moi, ce genre de posture tient surtout de la fuite. Ce que je veux, c’est apprécier tout ce dont la vie est faite, même les merdes qui vous rendent fous… Il y a aussi cette idée, que j’apprécie chez les écrivains, cet équilibre entre le fait de rêver les choses, mais aussi d’être transparent et de se confronter. »

On pense par exemple à Unfucktheworld ou encore Enemy, confession tremblante (« I don’t remember when you last cared for the things I do ») qui rappelle que, si les histoires d’a. finissent mal (en général), elles ne laissent d’autre choix que de relever la tête: « What’s so wrong with the light? », conclut-elle sur Windows. Tant qu’on est braqué sur le sujet, on en profite pour lui soumettre la citation « guillermesque » de la veille. « Je pense qu’il a… tort (rires). La vie à deux peut être intéressante. A partir du moment où vous avez trouvé un sens à votre vie tout seul… C’est comme dans l’avion: quand le masque à oxygène tombe, on vous demande toujours de prendre d’abord une bouffée avant d’aider le passager à côté de vous. Mais j’avoue que c’est drôle. Il faudrait qu’on se rencontre pour en parler plus longuement (rires).«  On arrange ça, promis.

ANGEL OLSEN, BURN YOUR FIRE FOR NO WITNESS, JAGJAGUWAR.

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EN CONCERT LE 04/04, AU STUK, LOUVAIN.

RENCONTRE Laurent Hoebrechts

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