Big bang aborigène

© Mon Pays Gabriella Possum Nungurrayi, collection Philippson, courtesy of the artist, photo: Vincent Everarts

L’occasion est trop rare pour que l’amateur ne l’aborde pas avec une inextinguible soif de voir: les Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique consacrent une importante exposition à l’art contemporain aborigène. En dehors de la galerie Aboriginal Signature emmenée par Bertrand Estrangin, dont la cinquantième exposition dédiée à douze artistes pintupi vient tout juste de fermer ses portes à Koekelberg, on ne peut pas dire que Bruxelles ait pris la mesure de l’immense potentiel artistique des cosmogonies et du sacré à l’oeuvre chez les peuples premiers d’Australie. La preuve de cette indifférence nombriliste des institutions et politiques culturelles est inscrite à même la trame d’ Aboriginalités, événement déroulé jusqu’au début du mois d’août. De fait, la proposition tout entière découle d’une sélection (120 peintures et objets) opérée au sein d’une collection… privée, celle de Marie Philippson, passionnée fascinée depuis plus de 20 ans par la densité d’une pratique interrogeant la présence de l’homme dans le cosmos. Traversé par plus de 80 langues différentes, le peuple aborigène fait valoir une Histoire complexe dont la richesse longtemps méprisée explose aujourd’hui à nos visages occidentaux en raison de son lien harmonieux avec la terre et le vivant. Le magnétisme des pièces aborigènes, dont les supports (toile, nacre, écorce, sculptures…) témoignent des différents écosystèmes: ces oeuvres, souvent collectives, s’interprètent comme des cartographies aussi indispensables que graphiques pour un peuple habitué à naviguer dans le désert. Ainsi des cercles concentriques, originellement tracés dans le sable, qui disent les trous d’eau sans lesquels il serait impossible de survivre. Sur ces relevés topographiques vient se greffer une cosmologie sacrée bien précise, le fameux « Temps du Rêve », un passé indéfiniment éloigné dont les échos résonnent encore et irriguent le présent. Il s’agit davantage d’un big bang en constante expansion que d’un Âge d’or comme on l’a cru trop longtemps. Puisse cette vision spéculative d’un temps long inspirer toutes celles et ceux qui leur feront face.

Big bang aborigène
© Maralinga – émeus morts, 1992 Jonathan Brown Kumintjarra, collection Philippson, courtesy of the artist, photo: Vincent Everart

Aboriginalités, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, à Bruxelles. Jusqu’au 01/08. www.fine-arts-museum.be

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