Belladone

Fin des années 60, à Voiron, petite ville maussade des Alpes, dernière semaine d’école. La famille occupe un appartement d’une tour HLM où personne ne vient, hormis le médecin quand le paternel avale tous les cachets de Belladone lors d’une tentative de suicide. Le reste du temps, il grille des Gitanes dans son fauteuil. « Va me chercher le journal, et tu prendras une bouteille à l’épicerie. Tu feras marquer. » La nuit, il y a les bruits: la mère vide les résidus d’alcool, Brigitte, la soeur, traverse l’appartement comme un fantôme effrayé. Lucien, l’aîné fort en gueule, la fait crier, mais personne ne voit rien. Le cadet, lui, voit tout, et aspire à disparaître. « L’an prochain, au collège Jules-Ravat, je serai noyé dans la masse. (…) Peut-être ne serai-je pas le fils du poivrot. Peut-être ne serai-je personne. Peut-être serai-je enfin oublié. » Avec la peur et la honte qui le tiennent, le petit dernier recompte les mauvais jours, trop nombreux. Ici, on n’élève pas les enfants, on les dresse, « avec des gifles pour tuer les mots« . Peut-on vivre sans les parents? Comment s’échapper? « Apprendre la vie ce n’est pas apprendre à vivre. » Contre le déterminisme social, le poète Hervé Bougel signe un roman ramassé, sur l’os, contre la mécanique du secret et les cicatrices de l’enfance malmenée. Recommandé.

D’Hervé Bougel, éditions Buchet/Chastel, 144 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content