AVEC LEUR DEUXIÈME ALBUM, INTITULÉ CARACAL, LES FRÈRES LAWRENCE SOIGNENT TOUJOURS UN PEU PLUS LE SONGWRITING POP DE LEURS TUBES DANCE.

Drôle d’endroit pour une interview. Du côté de Westminster, le Porchester Hall et sa salle de bal art déco, sont fameux pour avoir notamment accueilli un concert d’Amy Winehouse filmé par la BBC. La plupart du temps, l’endroit sert cependant surtout d’écrin pour des mariages ou des réunions d’entreprise. Cet après-midi-là, rien de tout cela. Quatre chaises ont été sorties des coulisses -deux pour Guy et Howard Lawrence, et deux autres pour la presse internationale du jour-, placées au milieu du hall désert…

Des parquets vides, la fratrie Disclosure n’a pas dû en voir beaucoup ces dernières années. Dès 2013, leur premier album, Settle, a réussi non seulement à trouver un public, mais aussi à combler une bonne partie de la critique. Auparavant, une série de maxis et de remixes avaient déjà posé les bases de la formule: soit un mélange de (deep) house et d’héritage UK garage, à la fibre pop peut-être pas foncièrement révolutionnaire, mais redoutablement efficace. Le timing était également parfait: après des années de dubstep sombre et irascible, la ligne claire de Disclosure amenait une joyeux coup de frais dans le paysage de la dance music made in UK. Howard: « On a grandi avec le dubstep, qui est une musique qui est née dans le Sud de Londres, pas très loin de là où l’on habitait. On a toujours adoré ça. Mais on n’a jamais voulu en faire avant d’entendre des gens comme James Blake, Mount Kimbie ou SBTRKT. Avec eux, tout à coup, il devenait possible d’avoir des cordes ou de glisser de vrais refrains. »

Une autre raison explique encore le large consensus qui a pu se créer autour de Disclosure. Avec leur dance léchée et ultramélodieuse, les frères Lawrence fournissent un antidote infaillible à ceux qui se sont lassés des beats monocérébraux refourgués par les stars de l’EDM, type David Guetta et autre Armin Van Buuren. Sans que cela ne passe pour réac: Disclosure a beau piocher dans quelques vieilles recettes nineties, il n’est pas le projet de quadras en mal de sons « bios » type Daft Punk, mais bien de deux « millenials » pur jus (Howard est né en 94, son frère Guy en 91). Par ailleurs, le binôme ne cesse de le répéter: avant d’être des DJ’s, ils sont tous les deux des musiciens. « On a grandi avec des instruments. C’est pour cela que pour nos concerts, nous avons des caméras qui nous filment en train de jouer. On veut que les gens puissent voir que c’est un vrai live, que l’on ne fait pas semblant. »

Du coup, ce qui aurait pu se limiter à une success-story essentiellement anglaise, voire européenne, a étonnamment marché de l’autre côté de l’Atlantique. Même s’il a fallu faire un effort de pédagogie. « Au début, les gens s’attendaient à voir débarquer deux DJ’s, qui balancent des trucs à la Calvin Harris, avec un beat bien agressif, et des canons à confettis (rires). Il a fallu bosser pour faire comprendre ce que l’on faisait. Cela a pris un peu de temps. On a tourné pendant quatre mois comme des fous, un peu partout aux Etats-Unis, avant que le déclic ne commence à se faire. »

Queen Mary

Le message a fini par passer. Même la reine r’n’b Mary J Blige s’est entichée du duo, reprenant un de leurs titres, avant de carrément leur demander de produire en partie son dernier album, The London Sessions. « Elle a une réputation de diva, alors que c’est une personne vraiment adorable. Elle n’a pas hésité à se pointer dans notre horrible petit studio londonien. Et là, quand vous vous retrouvez autour du piano, c’est juste une musicienne comme vous. » A l’heure de l’échange de fichiers et des duos virtuels, Disclosure assure d’ailleurs qu’il ne travaille qu’en direct, et en face-à-face. « C’est un peu old school, mais c’est notre manière de fonctionner. »

Selon les deux Anglais, ce fut à nouveau le cas pour le nouvel album, intitulé Caracal. Même si la liste des invités reste toujours très longue. Et impressionnante. A côté des moins connus Nao ou Kwabs, de l’ami-collègue Sam Smith, plusieurs poids lourds pop sont de la revue, tels Miguel, The Weeknd ou Lorde… Hormis des « personnages » tel le jazzman Gregory Porter (le single Holding On), rares sont ceux qui réussissent cependant à éclater le moule Disclosure. En l’occurrence, avec Caracal, il est encore davantage tourné vers la mélodie fluide et limpide. Le nouvel album a beau commencer par un clin d’oeil à Frankie Knuckles, parrain de la house de Chicago, décédé l’an dernier, il creuse toujours plus la veine du songwriting pop. « Même si on part de la dance, on aime que cela reste très « musical ». Le but est d’arriver à quelque chose d’original, plutôt que de s’aligner sur la pop générique qui passe à la radio. » Pour cela, il ne s’agit donc pas de ruer dans les brancards. La « résistance » qu’évoque Howard Lawrence tient plutôt à la manière de faire. Le morceau Jaded, par exemple, l’évoque à demi-mot, à en croire l’intéressé. « On était en studio avec James Napier et Sam Roman (tous les deux compositeurs, NDLR). En discutant, on s’est rendu compte que nous haïssions tous les quatre les deux mêmes personnes. Des mecs de l’industrie du disque, qui réussissent à glisser leur nom partout, à s’attribuer les mérites de morceaux auxquels ils n’ont pas touché. C’est le genre de truc qui nous rend fous! Il y en a plein comme ça! Après, le morceau n’est pas énervé, mais plutôt triste. Parce que les gars en question sont souvent très talentueux, mais ont tellement peur de louper le hit qu’ils demandent à d’autres de leur en pondre. Cela nous dépasse. Personnellement, nous voulons juste écrire de la bonne musique. Le reste, on s’en fout. »

DISCLOSURE, CARACAL, DISTR. UNIVERSAL.

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RENCONTRE Laurent Hoebrechts, À Londres

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