EN MODE ROMANTIQUE, MATTHIAS SCHOENAERTS, LA STAR MADE IN BELGIUM, A DE LA SUITE (FRANÇAISE) DANS LES IDÉES. ET LES MOTS POUR LE DIRE…

« C’était un vrai challenge d’humaniser cet individu dont l’uniforme est quand même le symbole du démon, du diable. Il y avait là une riche et forte matière à travailler… » Son personnage d’officier allemand, amoureux de la Française chez qui il est logé dans Suite française (lire la critique page 21), offre à Matthias Schoenaerts l’opportunité de montrer une facette -paradoxalement- plus douce et romantique. « C’est d’abord le contexte historique, complexe, fascinant et difficile pour plusieurs raisons, qui m’a attiré vers ce projet, explique l’acteur anversois, mais la principale raison pour laquelle je l’ai fait est cette histoire d’amour. Le mot amour a perdu de sa valeur aujourd’hui. Il a pris une connotation de faiblesse. Quand on le prononce, on a tout de suite l’air cucul… Alors que l’amour est la chose la plus puissante au monde! Prenez Nelson Mandela. Il passe 28 ans en prison et il en sort avec le sourire, en parlant un langage d’amour. Pendant tout ce temps vécu en cellule, c’est l’amour qui lui a donné la force de rester comme ça. Il aurait été vachement plus facile pour lui de devenir cynique, de tomber dans la haine et la violence. L’amour c’est pour les courageux! La haine et la violence sont pour les faibles…  »

Travail et abandon

Suite française a donc séduit Matthias par « cet amour impossible, cet amour interdit« . Il a aussi été intéressé par « le conflit interne que vit le personnage entre son devoir de militaire et ce qu’il ressent dans son âme« . Schoenaerts signe une interprétation retenue, empreinte d’une surprenante douceur, lui dont la présence physique est d’ordinaire riche de menace latente (encore dans The Drop). « Tout ça, j’y réfléchis beaucoup avant de jouer le personnage, je le travaille en amont, commente-t-il, mais une fois le tournage commencé, il me faut m’abandonner, être dans l’instant, libre dans l’instant. Avant de tourner, je me remplis, j’élargis au maximum mes perceptions du rôle, je laisse des pensées en tous sens envahir ma tête. Et puis, sur le plateau, j’essaie de me livrer à ce qui m’arrive naturellement, à ce qui me semble juste sur le moment. Je veux rester dans un état organique, donner de l’âme à ce qui est écrit et qu’il faut « énergiser », électriser, pour que passe quelque chose de vrai. Il n’y a pas de bons ni de mauvais comédiens! Il n’y a que des comédiens vrais et des comédiens faux…  »

Matthias aime faire rimer « vérité » avec « simplicité ». « Il faut que ça respire, que ça vive, que ce soit honnête« , clame-t-il avec force. « Dans le cinéma, développe l’acteur belge, tout est planifié, du scénario aux lieux de tournage en passant par toute la grande machinerie de la production, des éléments techniques. Comment alors faire en sorte qu’entre le mot « action » et le mot « coupez », cela vive? Car si ça ne vit pas, ça sert à quoi? » Et de dire son « incapacité à jouer des pensées, à reproduire une construction intellectuelle« , convaincu qu’il est de l’importance primordiale « du ressenti, de l’inconscient« .

« Il faut tellement ne pas avoir peur d’être mauvais! Si on est nul c’est pas grave, on refait la prise, merde!… « , déclare avec enthousiasme un Schoenaerts qui poursuit, habité: « Lâche-toi, lâche-toi, écoute, réagis, fais le con, tout ce que tu veux. Mais sois là, respire, sois vrai, et attaque! Ça finira par être bien. Personne ne meurt au cinéma! Cinq secondes de honte, ce n’est pas terrible, tout de même! Moi je préfère avoir honte sur le plateau qu’avoir honte plus tard, au cinéma, en me voyant dans le film…  »

Matthias mord avec passion dans ce métier qui ne cesse de lui apporter des défis, du bonheur, bien au-delà des frontières belges et même européennes. Sa success story récompense un artiste à la folle générosité, le plus formidable talent masculin à émerger chez nous depuis Benoît Poelvoorde, avec lequel il partage une présence caméra très exceptionnelle.

Le doute, pourtant, ne lui a pas été épargné. « Quand j’étais plus jeune, le métier de comédien m’était tellement difficile, je n’arrivais pas à trouver une souplesse. Alors je me suis dit: « Matthias, il faut que ça s’arrête, car tu ne prends pas de plaisir… » Il fallait que ça devienne un jeu. Un jeu sérieux, comme ceux des enfants. C’est sérieux, un enfant qui joue… C’est le jeu qui m’a donné la souplesse qui me manquait. Quand on est jeune, on veut tellement plaire, être ce comédien dont tout le monde parle, on essaie trop. » C’est en faisant Rundskop avec Michael R. Roskam (« un ami, je me sentais protégé« ) et surtout De rouille et d’os pour Jacques Audiard (« il n’intellectualise rien sur le plateau, c’est toujours « Abandonne-toi, abandonne-toi », tout doit être instinctif« ) que Schoenaerts s’est senti libéré, capable de « donner tout, sans avoir peur de rien« .

La suite, pour la star made in Belgium, prendra les couleurs du nouveau film de Thomas Vinterberg, Far from the Madding Crowd, et d’A Bigger Splash de Luca Guadagnino, avant The Danish Girl de Tom Hooper et Close Protection d’Alice Winocour. Un programme aux résonances résolument anglo-saxonnes pour un acteur abordant, à 37 ans, les premiers versants d’une montée (probablement irrésistible) vers la maturité. « Je pense qu’on se définit autant par nos choix négatifs que par nos choix positifs, conclut Matthias, ne pas faire quelque chose, c’est faire quelque chose d’autre! Ce qui est marrant, c’est que presque toujours, notre instinct nous dit très vite quel est le bon choix. Après, on commence à réfléchir, à brouiller les pistes, surtout quand l’arène devient plus grande, que la forêt devient plus épaisse. Quand plein de gens sont impliqués, si on écoute tout le monde, on ne sait plus ce qu’on pense, on ne sait plus où aller. Ma solution, c’est de toujours revenir à la clarté, à la simplicité, de me reconnecter avec cet instinct qui ne se trompe pas. »

RENCONTRE Louis Danvers

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