Back in the days…

Ouvrage essentiel sur les origines de la culture hip-hop en France, Mouvement bénéficie d’une nouvelle réédition. Incontournable.

On ne peut pas vraiment dire que les livres consacrés à l’Histoire du mouvement hip-hop soient légion. Du moins côté francophone. Alors que la France représente pourtant le deuxième marché au monde, le rap continue d’être relativement peu traité sur des longs formats. Exception à la règle, en 2015, Vincent Piolet avait publié un remarquable Regarde ta jeunesse dans les yeux, aux éditions Le mot et le reste. La même maison sort aujourd’hui Mouvement. Certes, le titre n’est pas une nouveauté. Régulièrement réédité, il est cependant à chaque fois aussi vite épuisé. On comprend facilement pourquoi: en rassemblant des documents photo d’époque, il est un peu l’équivalent français du fameux Subway Art, de Martha Cooper et Henry Chalfant, qui résumaient eux l’iconographie hip-hop née dans le Bronx.

Patine ghetto

Mouvement repose essentiellement sur le travail de Yoshi Omori. Quand il débarque de Tokyo à Paris en 1984, ce photographe japonais assiste en direct à l’enracinement du mouvement hip-hop dans la capitale française, notamment via les graffitis qui commencent à se multiplier dans plusieurs coins de la ville. Deux ans auparavant, l’improbable tournée New York City Rap Tour, montée par un journaliste d’Actuel, Bernard Zekri, avait déjà créé une brèche en baladant les pionniers new-yorkais (Afrika Bambaataa, le Rock Steady Crew, Futura 2000…) dans toute la France. En 1984, TF1 se pique de proposer une toute nouvelle émission: H.I.P. H.O.P., présentée par Sidney, le dimanche après-midi. Y passent Bambaataa, Herbie Hancock ou même Madonna, entre deux concours de breakdance. Le programme ne durera pas, mais la graine hip-hop est semée.

Back in the days...

Les premières fresques sont apparues sur la palissade du Louvre et les berges de la Senne, mais c’est à un autre endroit qu’Omori traîne le plus: du côté de la station de métro Stalingrad, sur le terrain vague de la Chapelle. L’endroit est rapidement devenu un lieu de prédilection pour tous les apprentis graffeurs, l’équivalent de l’esplanade du Trocadero pour les premiers breakers. On y retrouve des personnages aussi marquants que Bando, Ash, ou encore Jay One Ramier. Dans Mouvement, ce dernier décrit notamment le décor: une« étendue de terre battue, jonchée de gravats et peuplée de détritus et de sacs-poubelles jetés par les fenêtres des habitations en surplomb, qui confèrent une patine « ghetto » plus vraie que nature à cette dent creuse au milieu du béton, qui n’est pas sans renvoyer aux quelques images que nous connaissons de ce New York fantasmé. » Bientôt, c’est Dee Nasty qui viendra y poser son groupe électrogène et ses platines pour des fêtes improvisées. On le croisera également du côté du Globo, pour les soirées Chez Roger Boîte Funk, qui rassembleront toute la jeunesse hip-hop de l’époque, et dont le journaliste Marc Baudet raconte ici l’histoire avec une gouaille irrésistible.

Trente ans plus tard, ces témoignages pourraient paraître décalés. À un moment où le rap est devenu une véritable industrie, et ses principales stars des businessmen comme les autres, Mouvement apparaît au contraire comme un récit des origines plus que bienvenu.

Mouvement

De Yoshi Omori, éditions Le mot et le reste, 192 pages.

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