DIMANCHE 3 JUILLET, BARCELONE ACCUEILLAIT LE RED BULL BC ONE, L’UNE DES PLUS IMPORTANTES COMPÉTITIONS INTERNATIONALES DE BREAKDANCE. RÉCIT. LA TÊTE EN BAS…

A l’instar du street art, hier logiquement cantonné au cadre plus ou moins interlope et au caractère éphémère, mouvant, de son terrain de jeu autant que sa raison d’être, la rue, aujourd’hui accroché aux cimaises des intérieurs feutrés des musées, le breakdance ou b-boying se pratique désormais dans la salle Henry Le B£uf, écrin classieux s’il en est du Palais des Beaux-Arts. Quand il ne s’invite pas tout simplement dans l’imposant Théâtre Grec de Barcelone, planté à ciel ouvert au c£ur d’un somptueux jardin de la montagne de Montjuïc, sous l’égide d’une marque poids lourd malgré ses vertus aériennes: Red Bull. Explications.

1er mai 2011. La salle Henry Le B£uf du Bozar accueille, pleine à craquer, la grande finale du Red Bull Take One, un événement cornaqué par la branche belge de la Zulu Nation ( lire notre encadré) et, donc, par Red Bull qui, non content de donner des ailes aux plus invétérés des clubbers, clame haut et fort sa volonté d’accompagner au mieux l’envol des rêves de ceux qui ont le mérite d’en avoir encore -dans le genre, la canette de taurine fricote également en Formule 1, moto, rallye, ski, foot, etc. Derniers survivants d’éliminatoires ayant traversé le pays, les 16 meilleurs b-boys du cru s’y affrontent. A la clé: une place qualificative pour le Red Bull BC One de Barcelone.

3 juillet 2011, 21 heures. C’est dans le cadre prestigieux du Festival Grec de Barcelone, qui court sur la moitié de l’été catalan, que se déroule la finale européenne du Red Bull BC One. Les 16 meilleurs représentants européens sont appelés à y enchaîner les battles avec, en tête, un seul objectif: gagner le droit d’aspirer à devenir le nouveau tsar du break lors de la finale internationale qui aura lieu à Saint-Pétersbourg le 26 novembre prochain.

B-b kings

Lâchés dans l’arène espagnole marquée du sceau énergisant, les 16 castards, à défaut de montrer les cornes, se reniflent le derrière dans une atmosphère de frime faussement décontractée. Il y a là Menno, un Hollandais blanc comme un linge amateur d’aphorismes fumeux – » Love the life you live, so you can live the life you love », tel est son credo, mec. Et puis aussi un grand black séché qui en impose sévère et se fait appeler Niggaz -ce qui ne s’invente pas. Ou encore Khalil, le Arnaud Fleurent-Didier du breakdance: surdoué lippu, méché et sur-confiant, fascinant de franchouillardise bêcheuse. Irlandais, Belge, Allemand, Espagnol… Blacks, blancs, beurs. Le métissage de rigueur est garanti. Ils ont tous entre 19 et 25 ans, comme la majeure partie du gros millier de personnes ayant fait le déplacement, masse über colorée de jeunes à casquette lookés, le casque audio pendant sur la poitrine.

Le coup d’envoi est donné sur un mix patchwork de rap, soul, funk et latino. Et là, gare au feu d’artifice! Un mélange dingue de hip hop attitude, de swing, de gym acrobatique voire d’arts martiaux. Le tout emballé dans une coolitude à toute épreuve. Genre d’insectes bondissants aux corps ultra élastiques, les types alignent -sur les pieds, sur la tête, sans les mains…- les figures démentielles comme d’autres les cadavres de pintes au troquet du coin: avec une facilité, une souplesse, un lever du coude et du reste, carrément fascinants.

Le principe est clair: en 2 rounds de quelques dizaines de secondes, tout est dit. Sur le modèle du match directement qualificatif, 2 b-boys s’affrontent, seuls en scène. L’un se lance dans la danse tandis que l’autre observe, sur le bord. Et vice versa. A la fin, 3 juges avachis dans un divan lèvent une plaquette façon Ecole des fans avec le nom du gagnant. L’un continue, l’autre rentre chez lui. Fini. Un truc impitoyable. Mais, comme la fille du soldat de James Ivory, les b-boys ne pleurent jamais. Mieux, ils crânent à mort, se chambrent, font mine de bâiller quand l’opposant s’enlise dans ses enchaînements, exigent un « eye contact » quand ils décident de lui en mettre plein la vue, friment 2 fois plus quand ils sentent que le duel leur échappe, posent comme jamais quand sonne l’heure de la défaite. Sans manquer pour autant de multiplier, entre eux, les marques d’un respect peut-être un peu forcé.

Huitièmes, quarts, demis, finale. Les bras de fer s’enchaînent, et bientôt le Portugais Lagaet -celui qui aura le mieux géré sans doute la sainte trinité du break: technique, vitesse, créativité- parade avec un ticket première classe géant direction la Russie. La soirée se termine en after party dans le quartier Raval, au Nevermind, un bar cradingue, complètement nineties, tout à la gloire de Kurt Cobain, et qui parie sur le retour du grunge. A voir la tête, carrément consternée, des b-boys en déboulant dans le rade, on se dit que, pour le coup, les G.O. locaux ont un peu losé leur affaire. Pas de cerise sur le gâteau, donc. Tant pis. En vrai, on a encore un peu le tournis…

TEXTE NICOLAS CLÉMENT, À BARCELONE

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