LA DANSEUSE-CHORÉGRAPHE EST À L’AFFICHE DU FESTIVAL DES BRIGITTINES AVEC DEUX CHORÉGRAPHIES. LEDRÔLE25.06.76 ET LE RADICAL HÉRÉTIQUES. L’OCCASION DE TIRER LE PORTRAIT DE CETTE BRUXELLOISE D’ADOPTION NÉE À BUENOS AIRES.

« Quand j’étais petite, je passais des heures à me regarder dans le miroir et ma mère trouvait ça bizarre. Elle m’a envoyée à la danse. » La salle se marre, c’est un extrait de 25.06.76, la première chorégraphie (2004) « belge » d’Ayelen Parolin avec laquelle elle tourne de temps en temps. Aux Brigittines, elle la jouera pour la première fois en duo. Une oeuvre évolutive, et pour cause: la pièce dont le titre est sa date de naissance est un collage de toutes les danses (claquette, moderne, contemporaine, « gogo dancer », rumbera…) qu’elle a pratiquées. Une traversée en esquisses, sans musique ni décor, mais avec une partie de texte, et un comique sans y toucher. Une autobiographie chorégraphique. « En fait, quand je suis venue en Europe, rien ne fonctionnait, je ne réussissais aucune audition. C’était le grand écart. Les codes étaient différents. Moi qui venais d’un monde plutôt néo-classique, je ne comprenais pas pourquoi, au lieu de danser un mouvement, les danseurs, lors des auditons, se mettaient nus. Sur scène, un danseur jouait au tennis et disait: « Je suis Jérôme Bel. » Je me disais: « C’est quoi ça!? » C’était l’incompréhension. J’ai pensé repartir. Puis La Ribot (chorégraphe espagnole, ndlr) m’a dit: « Crée un solo, tu verras, tu trouveras du travail.«  J’ai donc fait cette « carte d’identité », parce que je suis comme ça. Trois semaines après le solo 25.06.76, j’ai été sélectionnée dans une audition. Ma carrière ne s’est pas arrêtée depuis. »

Née à Buenos Aires, Ayelen Parolin (38 ans) commence la danse à trois ans, dans une école de quartier. A 13 ans, elle commence le Conservatoire et entre dans la seule école de danse de la région au lycée. « C’était la danse moderne, méthodes Cunningham, Graham, etc. Les profs nous disaient qu’il fallait qu’on voyage pour voir d’autres enseignements et spectacles. Au premier festival international à Buenos Aires, j’ai vu pour la première fois du Butô, des spectacles d’Anne Teresa De Keersmaeker, Wim Vandekeybus, et une pièce russe où les comédiens jouaient une photo de famille où il ne se passait « rien ». C’était radical, la salle était en colère. Là, je me suis dit que ça pouvait être intéressant! Au début, je n’aimais pas la rigueur, vécue comme un manque de liberté. Jusqu’au jour où j’ai trouvé du plaisir dans la discipline. Je suis têtue, j’aime bien aller toujours plus loin et je suis une obsédée du mouvement. Personnellement, le mouvement me suffit, je n’ai pas besoin de recourir à la musique, à un décor, ou à un jeu travaillé de lumières. » Résultat: elle danse à la télé argentine « le pire programme« , économise 10 000 dollars et débarque en Europe. Elle n’est pas prise à P.A.R.T.S. mais poursuit sa formation chez Mathilde Monnier à Montpellier puis revient à Bruxelles. « Là où (à l’époque) en Argentine, on nous apprenait à rentrer dans des modèles déjà établis, en Europe, il s’agissait plutôt de chercher sa singularité. Et Bruxelles possède un secteur de la danse cosmopolite. On se sent vite chez soi. »

L’humour et le sérieux

Avec cinq chorégraphies au compteur, Ayelen Parolin signe des spectacles qui ne peuvent laisser indifférent, tantôt drôles, tantôt radicaux. On se souvient de Troupeau/Rebano (2006), où les danseurs à quatre pattes, une peau de mouton sur le corps nu, se cognaient méchamment, dans une chorégraphie animalière. Dans SMS&Love (2009) trois danseuses à poil et à talons, les mains sous les aisselles, le cul courbé dansaient/mimaient longuement des… poules! Assez confondant! Et dans David (2011), elle installait trois hommes nus sur des socles, posant comme le David de Michel Ange, dansant un micro mouvement presque invisible à l’oeil nu. Dans son dernier, Hérétiques (lire page 42), deux hommes statiques, face à nous, exécutent de leurs bras des mouvements abstraits issus de la géométrie du triangle et d’un esprit « chamane ». De l’humour à l’abstraction, l’évolution de style demande une réponse. « Je ne me dis pas que je vais faire de l’humour. A un moment donné la chorégraphie s’impose. Dans David, je voulais qu’ils bougent, qu’ils chantent, qu’ils parlent, qu’ils s’habillent. A chaque fois, on voyait bien que c’était plus fort dans la sobriété qu’on lui donnait. Avec Troupeau, je faisais une recherche sur notre « animal intérieur », sur l’instinct et j’ai trouvé… les peaux de mouton. Avec SMS&Love, je voulais aborder les sorties entre copines où on devenait un peu « vulgaires ». Difficile de ne pas tomber dans le cliché!

Fallait trouver un équilibre. La métaphore de la poule m’a parue juste. Je pars toujours d’une métaphore pour construire un spectacle. Dans David, je voulais travailler la figure du mâle. Car j’habite au centre-ville où je me dis parfois qu’on circule comme à l’époque des hommes des cavernes tant on se fait emmerder par des types. Et puis c’est un travail raffiné qui est sorti en studio. On a pourtant travaillé sur les clichés du macho mais ça faisait superficiel. Avec Hérétiques, je voulais m’essayer à une danse plus écrite, avec une idée de transe, de voyage « chamanique ». Ce qui me touche finalement, c’est d’explorer l’humain dans un truc plus profond. »

25.06.76 (25 ET 26 AOÛT), HÉRÉTIQUES (27 AOÛT) WWW.BRIGITTINES.BE, WWW.AYELENPAROLIN.BE

TEXTE Nurten Aka

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