ALORS QUE SORT SON DEUXIÈME ALBUM, LE JOLI ELEONORE, BRAM VANPARYS NOUS ACCUEILLE À LA MAISON. AU MILIEU DE SES INSTRUMENTS ET DE SES DISQUES. BAVARDAGES.

Gand. Une petite impasse. Une maison mitoyenne où on entend distinctement parler les voisins. Bram Vanparys, le Bony King Of Nowhere, nous accueille dans son modeste royaume. Une scie musicale est accrochée au mur. Quelques guitares peuplent le salon.

 » Je vis de la musique depuis un an. Je ne roule pas sur l’or mais tant que j’ai assez pour me loger, me nourrir et acheter des disques, je suis content« , glisse le songwriter alors que Fred Neil tourne sur la platine.

C’est ici que le Bony King passe le plus clair de son temps et a enregistré les démos de son deuxième album, Eleonore ( lire notre critique page 35).  » Je ne ressens pas le besoin de sortir tous les jours et de voir beaucoup de monde. J’ai bien peur d’être un solitaire, avoue le jeune homme de 24 ans dans un haussement d’épaules. J’envisage même de vivre à la ferme. Je n’aime plus beaucoup la ville. J’ai toujours apprécié me retrouver seul. Même enfant, je me promenais dans les bois et observais les oiseaux avec des jumelles plutôt que d’aller jouer au foot avec les autres gamins. Ce n’est aucunement quelque chose de triste.  »

Quelques 33 Tours, parmi lesquels le Chelsea Girl de Nico, décorent la pièce.  » Ça sert surtout à me rappeler que je dois les écouter.  » Un tas d’autres, beaucoup de Dylan, sont rangés soigneusement sous la chaîne hi-fi.  » Mon père avait une petite collection de vinyles. Des originaux des Rolling Stones, de Neil Young… Le premier disque que j’ai mis moi-même sur la platine, ça devait être un Pink Floyd. C’est comme ça que j’ai découvert tous ces artistes, adolescent. Plus tard, j’ai longtemps acheté des CD comme tout le monde. Je me suis mis à collectionner bien plus tardivement. Il y a 2 ans maintenant.  »

Bram a une vision romantique de la chose.  » Quand tu as un vinyle de Nick Drake entre les mains, c’est autre chose qu’une réédition ou une petite boîte en plastique. Cet objet existait déjà alors qu’il était encore en vie. Puis, lorsque Fred Neil a enregistré l’album que nous écoutons, qu’il l’a ramené chez lui et fait écouter à ses amis, c’est comme ça qu’il sonnait. Et c’est ainsi que je veux l’entendre. Pas remasterisé.  »

The more you think…

Le disque de sa collection dont le Bony King est le plus fier, c’est le seul et unique album de Jackson C. Frank. Un vieux songwriter américain.  » Il a fait un flop à l’époque. Personne ne l’a acheté. Il en a peut-être vendu 5000 exemplaires. Comme dans la foulée il a eu une panne d’inspiration, il n’a plus jamais écrit de chansons. Il est allé de dépression en dépression. Quand il avait 11 ans, son école a pris feu. Et ça l’a évidemment traumatisé. Quinze de ses condisciples sont morts dans l’incendie. Et s’il fut l’un des 4 rescapés, il a souffert toute sa vie des brûlures.  »

Plus tard, alors qu’il se promenait dans la rue, Frank s’est fait tirer dessus par un gosse avec un faux pistolet mais il lui a tiré dans l’£il. Le rendant borgne.

Bram préfère ne pas dévoiler ce que racontent ses chansons mais il aime connaître l’histoire des plaques qu’il écoute dans son salon. Pas tant ce que les morceaux veulent dire. Plutôt dans quel contexte ils sont nés.

 » Sorti en 1965, produit par Paul Simon (rencontré en écumant les bars londoniens, ndlr) , le Jack C. Frank a été mis en boîte en 3 heures. Le gars était plutôt timide. Paul Simon lui a demandé de jouer ses chansons pendant qu’il s’occupait de tous les réglages. Après 2 heures, Jack C. Frank commençait à s’impatienter. Simon lui a dit d’attendre encore un peu. Et quand, une heure plus tard, le singer songwriter manifesta à nouveau sa volonté de se mettre à enregistrer, le disque était en fait déjà terminé.  »

Le Bony King Of Nowhere se retrouve de plus en plus dans cette quête de spontanéité.  » David Briggs, le producteur des meilleurs Neil Young, disait toujours: « The more you think, the more you stink. » Je pense qu’il a raison. Tu ne vas nulle part si tu réfléchis trop à ce que tu fais.  »

A pas de Géant(s)

Bram, qui jouait lui-même de la batterie sur les démos, a enregistré Eleonore avec ses musiciens l’été dernier. A Gand. Pendant ses célèbres fêtes.  » Le 3e album, ce sera juste moi et ma guitare. Sans basse ni batterie. Je me dirige vers quelque chose de plus en plus sobre et épuré. Quand je compose une chanson, désormais, je l’enregistre tout de suite. Je me suis fixé un maximum de 3 prises. Mais elle doit me convaincre le jour où je l’écris. Sinon, je la fais disparaître.  »

Le Flandrien espère déjà offrir un successeur à Eleonore d’ici la fin de l’année.  » Je trouve étrange que certains mettent 3 ans pour un album. Est-ce vraiment si dur de pondre 10 titres? Cent jours pour écrire un bon morceau, ça me semble quand même beaucoup.  »

Bon prince, le Bony King nous fait écouter quelques-uns de ses derniers enregistrements.  » Celui-ci servira au film Les Géants de Bouli Lanners« , glisse-t-il alors que se termine l’un de ses plus touchants morceaux. Il a composé toute la musique. Douze interventions allant d’une chanson à un extrait de 5 secondes.  » J’ai été sur le tournage. Dans la nature. Je n’ai rien fait. Juste me promener. Lire. Ecrire. Enregistrer. »

Bram n’est pas un enfant du cinéma.  » Je n’aime pas m’asseoir et me scotcher devant un écran.  » Il préfère écouter un disque ou lire un livre. D’ailleurs, il n’a même pas la télé. Seules quelques bandes originales figurent dans sa discothèque.  » Je suis un grand fan de Neil Young et je n’ai pas écouté sa B.O. de Dead Man . Je n’ai qu’une musique de film. Celle du Livre de la jungle . Un incroyable disque. Le deuxième morceau avec Kaa, le serpent, est très psychédélique. Super bien foutu. J’ai aussi quelques disques de Morricone.  » Le Bony King sera toujours plus bon que brute ou truand.

TEXTE JULIEN BROQUET

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