Quoi de plus volatil que le bon goût? Imprévisible comme un député N-VA, instable comme un volcan islandais, il change ses batteries quand ça lui chante. Un jour, c’est in, le lendemain, c’est out. Le lycra fluo, les coupes 220V, les épaulettes Dark Vador, c’était chic à une époque (si, si). Aujourd’hui, ça frise quand même le carton rouge. Question de cycles et de modes. Et d’effet boomerang aussi, ce qu’on a adoré puis brûlé pouvant s’offrir un tour de manège supplémentaire à tout moment. De quoi remettre en selle des looks, des gimmicks, des sons ou des postures qu’on avait enterrés avec notre acné, notre appareil dentaire, nos rêves de gloire et nos premiers joints. Les nappes de synthé qui dégoulinent du vaisseau Empire of the sun, les riffs énervés qui tapissent le rock garage des Black Lips ne sont pas nés de la dernière pluie. C’est du recuit, du réchauffé, ce qui ne veut pas dire que c’est indigeste. Mais question nouveauté, on repassera. Pour le mauvais goût, c’est le même tarif. Il y a autant de définitions du dérapage esthétique que de grains de sable entre Knokke et La Panne. On est tous l’exemple à ne pas suivre de quelqu’un. Et vice versa. Rien de neuf sous la couche de cendres? Si. En même temps que la vulgarité s’est invitée dans nos assiettes cathodiques (merci la télé-réalité), que les langues de vipère ont confisqué le débat d’idées (merci Zemmour, le lapin Duracell de l’agitprop populiste, enfin privé de crachoir à la rentrée), que la kermesse a supplanté toute prise de risque artistique (merci le service public), la médiocrité a pris ses quartiers. Au royaume des décérébrés, les faibles d’esprit sont rois. Le mauvais goût est ainsi devenu le nouveau bon goût! Le symptôme de cette rapide descente aux enfers: Lady Gaga. Il y a 20 ans, la Cicciolina de la pop n’aurait pas eu droit à plus que quelques lignes dans un journal pipole. Aujourd’hui, avec l’inversion des pôles magnétiques, elle se retrouve au centre du jeu. Pire, elle dicte le mainstream. Avec pour seul argument un sens du buzz affûté comme les spikes de Usain Bolt. Démonstration encore l’autre jour quand elle a inondé le métro bruxellois de ses tubes et de ses art works riches en glucides. De quoi donner envie de se jeter sous une rame… Peu importe que son nouvel album ne casse pas 3 pattes à un canard cul-de-jatte. Il suffit qu’elle se vautre dans le trivial pour vendre des camions de disques. On pourrait citer d’autres flagrants délits de crimes intellectuels comme le succès de la comédie potache américaine façon Hangover. L’encre de cet édito n’a même pas eu le temps de sécher qu’une nouvelle casserole tombait dans notre boîte mail: une vidéo de Christophe Hondelatte, journaliste français qui se voulait sérieux et crédible, rendant hommage (?) en chanson à la série Dr House. Du lourd. Rien de grave mais révélateur de ce climat bidochon qui fait croire que tout est permis et que tout se vaut. Et après on s’étonne que nos politiciens acceptent de faire les guignols dans des émissions de divertissement… La génération bunga bunga dirige la planète. On ne peut dès lors qu’abonder dans le sens de Joann Sfar quand il nous dit que  » la connerie est le bien le mieux partagé au monde« . Y a pas de mal à s’offrir une tranche de n’importe quoi de temps à autre, pour se rincer les neurones, pour se vider la tête sans se la prendre, mais gare à l’abus. Ce cholestérol-là met en péril la santé… mentale. l

PAR LAURENT RAPHAËL

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