Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

DOUBLE ACTUALITÉ POUR L’ARTISTE FRANCO-ALGÉRIEN KADER ATTIA QUI S’EXPOSE À LA FOIS À BOZAR ET AU MUSÉE MIDDELHEIM D’ANVERS.

Continuum of Repair: The Light of Jacob’s Ladder

KADER ATTIA, BOZAR ET MIDDELHEIMMUSEUM. RESPECTIVEMENT JUSQU’AU 22/02 ET 29/03.

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Anvers. Bruxelles. A un mois près, ces deux villes donnent à voir l’excellent travail de Kader Attia. Exactement le genre de recoupement que l’artiste affectionne, comme un écho à son travail qui se nourrit de « combinaisons, réarrangements, convergences, embranchements et croisements« . Raison pour laquelle on ne saurait trop conseiller de faire le double déplacement. Né en 1970, Kader Attia appartient à cette génération d’artistes quadragénaires qui, comme nous le confiait récemment Vincent Meessen, « ont hérité à parts égales de la pensée critique des années 70, du cinéma expérimental, de l’art conceptuel, de la critique institutionnelle et de l’appropriationisme des années 80« . Au bout de la démarche, des oeuvres complexes, lourdes de sens, qui se tiennent à distance du formalisme mercantile qui envahit le marché de l’art actuel. Tout comme Meessen -pour rappel, ce dernier s’est vu confier la responsabilité du pavillon belge lors de la prochaine Biennale de Venise-, Kader Attia fait valoir un profil qui relève autant du chercheur que de l’artiste. Les anglophones qualifient ce type de pratiques de « discursives » en les désignant par le biais de l’appellation générique de « research-based practice ». Le tout pour un concept qui qualifie une démarche faisant usage de méthodologies de recherche et qui débouche sur des oeuvres avec une visée, si pas polémique, pour le moins salutaire en matière de réflexion. Contre le positivisme et la rationalité aveugle, Attia « tourne le dos à la pensée linéaire occidentale pour s’intéresser à d’autres schémas« .

Autres devenirs

Au centre du travail exposé en Belgique se trouve la notion de réparation. Au Palais des Beaux-Arts, elle prend la forme d’une installation qui porte le nom de The Light of Jacob’s Ladder. Inspiré par le récit biblique de l’échelle de Jacob, une échelle qui relie la terre au ciel, il s’agit d’un cabinet de curiosités rempli d’étranges artefacts: anciens instruments scientifiques mais également ouvrages d’écrivains, par exemple du philosophe Descartes ou du biologiste Alfred Russel Wallace. Il est possible de monter sur cette échelle. Au sommet, un miroir permet de multiplier à l’infini le contenu du cabinet de curiosités. En filigrane, on peut y décrypter une mise en question de la Modernité, ainsi que son imaginaire de conquêtes -le cogito cartésien en est une- et d’appropriations -on songe à l’arraisonnement de l’Etre dénoncé par Heidegger. Face à cela, Attia dessine un chemin pour une réparation qui n’est pas forcément à comprendre dans le sens de « reconstruction ». L’artiste imagine davantage « la création de nouvelles formes hybrides« . L’exposition, en extérieur, du Musée Middelheim d’Anvers repose sur le même principe. Treize sculptures en bois y complètent la série progressive d’oeuvres sur la même thématique. Elles montrent ainsi comment le sens évolue au fil de l’Histoire et comment ces modifications sont dictées par les contextes et les dominations politiques. A l’artiste donc d’inventer des devenirs possibles qui contrent une soi-disant vérité historique.

WWW.BOZAR.BE ET WWW.MIDDELHEIMMUSEUM.BE

MICHEL VERLINDEN

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