Arnold Lanes

Cinquante-et-un ans après son deuxième et dernier album solo, la septuagénaire soul revient via une déclaration d’amour britannique. Convaincant.

« The New Adventures of…P.P. Arnold »

Le Swinging London sent déjà un peu la betterave et P.P. Arnold débarque en Grande-Bretagne en deuxième partie de sixties. Via Mick Jagger, elle se trouve signée sur le label d’Andrew Loog Oldham, alors manager des Stones. Jeune et talentueuse chanteuse de Los Angeles, à l’entame de la vingtaine, elle a déjà été Ikette dans la tumultueuse revue des époux Turner et s’est séparée du père de ses deux jeunes enfants. Ses deux albums anglais, The First Lady of Immediate (1967) et Kafunta (1968), révèlent son grain gospel étendu, une séduction soul à l’épate, notamment par l’interprétation de The First Cut Is the Deepest, composition de Cat Stevens, qui devient un hit européen. La chanson incarne d’une certaine façon tordue le destin de P.P. Arnold, à savoir, ces coupures qui fissurent les attendus. Plus tard, ce sera la mort de sa fille dans un accident de bagnole, sans compter ces rendez-vous musicaux semi-manqués au fil des décennies, comme le rappelle une compilation parue en 2017, Turning Tide, réassemblage de morceaux enregistrés avec Barry Gibb (Bee Gees) et Eric Clapton, en 1969 et 1970. Aujourd’hui, cette étonnante renaissance d’un troisième album est aussi l’oeuvre du producteur Steve Cradock, guitariste de Paul Weller et d’Ocean Coulour Scene.

Arnold Lanes

Chaude et endémique

Dès le premier morceau, Baby Blue, et ce jusqu’au final, l’intention est clairement affichée: on est toujours en 1967-70 et pas deux décennies dans le second millénaire. Il n’est pas question de revamping R&B, de copier-coller Beyoncé ou Cardi B -la blague-, pas plus que de vouloir chausser de quelconque façon l’interprète de bientôt 73 piges de nouvelles frusques à la mode. Le vintage est assumé, clamé et parfaitement orchestré, au sens propre comme à l’autre, avec les déluges de cordes qui renouent le lien avec les années 60 écrémées dans le sillage munificent de Spector et des productions ambitieuses. Le style torch song de Though It Hurts Me Badly, les réminiscences gospel de I Believe, la luxuriance chromatique d’ I’m a Dreamer, la grâce nature de Shoot the Dove et de son Hammond fraternel, le ressac mélancolique de When I Was Part of Your Picture (l’un des deux titres composés par Weller) fonctionnent de façon parfaitement chaude et endémique. La raison majeure du succès de ce retour, c’est évidemment la voix de P.P. Arnold, forte, fière, sensuelle, inchangée, confiante en elle-même. P.P. nous raconte son demi-siècle à elle -compliqué- mais qui, comme dans nombre d’histoires américaines, finit par triompher de tous les pessimismes. Y compris dans LE moment décalé du disque, une reprise de Last Thoughts on Woody Guthrie, poème écrit par Dylan en 1963: transformé ici en dix minutes de psycho-jazzy-spoken word ultra funky! Welcome back P.P.! On t’attend maintenant en concert.

P.P. Arnold

Soul. Distribué par V2 Records.

8

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