Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

HYBRIDE AVANT L’HEURE, LE METTEUR EN SCÈNE ARMEL ROUSSEL VIT EN « TRIBU », CREUSE LES TEXTES ET S’APERÇOIT À PEINE QU’IL SECOUE SCÈNES ET PIÈCES…

Ce Français arrive à Bruxelles à 18 ans. A l’Insas, il visait le cinéma mais est aiguillé vers le théâtre.  » Je ne connaissais rien à la scène, je disais « c’est qui ce Straimberg? » pour Strinberg! Cette virginité m’a permis d’explorer des trucs puisque je n’avais pas les codes.  » En 1996, dès son premier spectacle (culte) Roberto Zucco, à 25 ans, il propose déjà un théâtre « art total », avec vidéo, son, arts plastiques, danse, cinéma.  » J’étais moi-même hybride à l’époque. Et Roberto Zucco était marqué par Reza Abdoh, un jeune metteur en scène irano-américain mort du sida en 95, qui jouait avec l’inversion des sexes, qui revisitait les mythologies, le style américain, etc. Une réelle déflagration pour moi.  »

Provocation et timidité

Au Varia, il enfile les spectacles-puzzles: Les Européens, Enterrer les morts/Réparer les vivants, Hamlet, Pop?, Fucking boy… Avec lui, naturellement, les garçons s’embrassent et Ophélie est black.  » Ophélie noire c’était d’abord l’histoire d’un metteur en scène et d’une comédienne, pas d’un Blanc et d’une Noire. Tant qu’il y aura des huées parce que 2 garçons se roulent des pelles (dans Pop?, ndlr), ces scènes seront toujours là. Le tournant a étéHamlet. Malgré une solide dramaturgie, les gens ne me parlaient que de la saucisse dans le cul! Une scène anodine. Là, j’ai eu un gros doute. J’ai compris que ce genre de scènes occultait le spectacle. Aujourd’hui je fais attention à ces masques.  » Ce qui frappe chez Roussel, c’est son ouverture amicale, sensible, loin de l’artiste « imbuvable » d’antan.  » Ce n’était pas de l’arrogance mais de la timidité. Passer à la télé: un calvaire. Je suis un fêtard mais dans mon coin, incapable de soirées mondaines. De plus, je voyais mes spectacles comme un lieu de confrontation avec le public. Aujourd’hui, je ne me stresse plus, je gueule moins. Très directif avec mes comédiens, je travaille désormais dans la confiance. « 

Après Si demain vous déplaît… , meilleur spectacle de la saison 2008-2009, Roussel quitte le Varia et postule à la direction des Tanneurs. Il y devient « artiste associé », enchanté du dialogue avec le directeur, David Strosberg. Sa compagnie évolue, d’Utopia à [e]utopia 3, au fil de ses recherches. Des constats vifs sur l’individu et un monde à la dérive, il s’interroge désormais sur le « vivre ensemble ». Actuellement, il propose Nothing hurts de Falk Richter aux Tanneurs, pour une jauge de 50 spectateurs:  » Je suis parti sur une espèce d' »after » où 4 personnages se shootent à la fiction, rêvent d’accidents pour arriver encore à sentir quelque chose et se demandent « C’est quoi être proche? » .  » Et reprend son chaleureux Ivanov Re/Mix d’après Tchekhov:  » AvecTchekhov, j’ai toujours l’impression de lire comme un truc Nouvelle Vague. »

Réservé sur sa vie privée, Armel Roussel reste un artiste polymorphe, un esthète curieux, passionné d’arts plastiques, bouffeur d’expos. Même si on l’attend toujours dans le in d’Avignon, ses spectacles connaissent de solides tournées en France et en Suisse. Sa carrure artistique méritait sans nul doute une grande salle comme le Théâtre national. On lui promet une carte blanche en 2013.  » Peut-être sur la peur qui gangrène nos sociétés…  » l

NOTHING HURTS, DU 17 AU 21/09 AUX TANNEURS À BRUXELLES (PRESQUE SOLD OUT).

VANOV RE/MIX, DU 25 AU 30/10 AU MANÈGE À MONS, DU 15 AU 19/11 AU THÉÂTRE DE LA PLACE À LIÈGE, DU 6 AU 17/12 AUX TANNEURS À BRUXELLES.

NURTEN AKA

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