Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

METTEUR EN SCÈNE DES LANGUES PATERNELLES, ANTOINE LAUBIN TAILLE SES SPECTACLES DANS L’ESTHÉTIQUE DE SES INTERROGATIONS, L’INTÉGRITÉ ARTISTIQUE EN POINT DE MIRE…

Pour son entrée sur la scène médiatique, en 2009, avec une adaptation des Langues paternelles de David Serge (alias le journaliste Daniel Schneidermann), la critique lui avait donné le prix de la Meilleure découverte. Son deuxième spectacle, Dehors, dévoilé la semaine dernière à Namur, explore le thème de l’exclusion. Sa source: Patrick Declerck, qui a passé plus de 20 ans auprès des SDF de Paris et en a tiré un essai, Les Naufragés, paru chez Plon. Sur scène, six interprètes sont dans le plaisir du jeu, en saynètes minutées, tirées au sort. Un carton rouge amène une séquence d’interview ( » Tomberiez-vous amoureux d’un clochard?« ,  » Que fais-tu quand tu vois un clochard?« …), le carton vert voit 4 personnages-types (journaliste, passant, politicien, travailleur social) se prendre la parole dans un carré de scène autour d’un fait divers (la mort d’un SDF à Bruxelles). Un travail intéressant, des options cohérentes qui toutefois, à force de trop de « gimmicks » théâtraux, empêchent le sujet de respirer, comme si la machinerie théâtrale avait pris le dessus. « Pourtant, nous confie Antoine, j’essaie de trouver la forme juste pour raconter les choses. Quand tu me dis qu’il y a trop de jeu, je me dis « merde  » parce que pour moi, c’est la seule manière de ne pas être un imposteur. Je n’ai pas les 20 ans de Patrick Declerck sur le terrain. Raconter sans le jeu du théâtre m’aurait paru malhonnête. Dehors montre que, finalement, on s’accommode d’une misère à portée de mains. Pour moi, le jeu apporte du sens dans le spectacle. »

Adieu ciné, bonjour théâtre

A 32 ans, Antoine Laubin a l’exigence des grands metteurs en scène, avec l’angoisse de l’artiste qui « va avec » et, plus difficile à acquérir: l’écoute et le respect des opinions des autres sur le travail qu’il propose. Peut-être parce que lui-même questionne le théâtre en général, en écrivant dans la revue Alternatives Théâtrales et en enseignant au Conservatoire de Mons. Moins connu: ce Tournaisien d’origine est féru de cinéma, maniant la caméra dès l’adolescence. Après avoir échoué à 20 ans au concours de l’Insas en section cinéma, il vient au théâtre en mettant en scène Le Café des patriotes de Jean-Marie Piemme, au Théâtre universitaire de l’ULB. « Je bifurque com- plètement, touché par le fait que le théâtre est un des seuls lieux où des humains partagent le même espace/temps concret, ce qui permet de jeter ensemble un regard sur le monde. Le théâtre est perdant quand il rivalise avec le cinéma sur le réel, alors autant qu’il le décale. Les spectacles où il faut appuyer sur « play » ne m’intéressent pas. La vidéo doit partir du plateau. »

Après ses adaptations contemporaines, Antoine Laubin prépare une version du Roi Lear qui, dit-il , « concentre toutes mes interrogations sur la transmission/filiation, l' »exclusion » en lien avec la société. On voulait que Cordélia ne disparaisse pas alors que dans Shakespeare elle est bannie par son père, le Roi Lear. On garde le contact par e-mails ». Un Roi Lear particulier, prévu en 2013. Pour le reste, et en vrac, Antoine Laubin dort peu mais bien, bouffe mal, clope beaucoup, et « ne pourrait pas vivre sans ordinateur ». Là, le théâtre n’y peut rien… l

DEHORS JUSQU’AU 20/10 AU THÉÂTRE DE NAMUR, LES 24 ET 25/10 À MAISON DE LA CULTURE DE TOURNAI, EN MARS À CHAPELLE DE BOONDAEL À BRUXELLES. INFOS: WWW.HABEMUSPAPAM.BE

NURTEN AKA

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