NIKOLAJ ARCEL REVISITE REMARQUABLEMENT L’HISTOIRE DANOISE AVEC A ROYAL AFFAIR, OÙ LES IDÉES DES LUMIÈRES DÉFIENT TRADITION, RELIGION ET POUVOIR ÉTABLI. UN RÉGAL!

Ce fut l’une des très bonnes surprises du dernier Festival de Berlin. A Royal Affair tire son inspiration d’un épisode singulier de l’Histoire du Danemark au XVIIIe siècle, et d’un personnage exprimant de manière non moins singulière l’aspiration à une (r)évolution des idées et des m£urs politiques sous l’influence française des Lumières. Une riche thématique, à laquelle certains événements récents font un écho que le réalisateur Nikolaj Arcel ne pouvait prévoir au moment de mettre son film en chantier voici plusieurs années déjà…

L’histoire que raconte votre film est-elle bien connue du public danois?

Elle est enseignée à l’école, et c’est là que j’en ai eu connaissance. J’ai été immédiatement fasciné par ce drame réunissant un roi fou, une reine amoureuse, un idéaliste devenant homme d’influence et parvenant au pouvoir pour en mesurer la fragilité. Je crois que le public, en majorité, y voit plus les éléments d’un « soap » qu’un moment définissant leur Histoire nationale. Mais certains perçoivent la dimension idéologique, l’expression symbolique de changements majeurs dans la société. Les deux sont vrais, évidemment… Ce qui fait de cette affaire une superbe matière pour le cinéma. Elle a déjà inspiré des livres, des pièces, même un ballet et un opéra. Mais la dimension si proche, si émotionnelle, du médium film, ne pouvait que lui convenir! J’avais très envie de l’aborder, avec l’émotion mais aussi tous ces éléments politiques qui restaient jusqu’ici assez largement ignorés.

A quel point le film correspond-il à la vérité historique?

Nous avons étudié toutes les sources disponibles, et aussi engagé les meilleurs experts de cette période au titre de consultants. Afin notamment qu’ils puissent nous dire, quand nous ajoutions telle ou telle chose dans les « blancs » de ce qui est attesté:  » Cela aurait pu se produire ainsi, oui. » Ou alors:  » Non, cela ne se serait jamais passé ainsi à l’époque! » Nous avons ainsi pu « dramatiser » de manière crédible et respectueuse du contexte historique.

Le film a l’allure d’une production à gros budget, alors qu’il n’a pas bénéficié d’un financement d’importance hollywoodienne. Quel est votre secret?

Je suis un type méticuleux, qui prépare tout avec une précision maximale. A l’opposé de mes amis et collègues danois du Dogme, qui arrivent chaque matin sur le plateau et décident sur le moment ce qu’ils vont faire, je prévois chaque plan, chaque cadre, bien à l’avance. Cela me permet de me consacrer au travail avec les acteurs, qui est ce qui me passionne le plus. Et aussi de maximaliser les moyens mis à ma disposition. Ce qui augmente le coût d’un film, ce sont les attentes, les retards, les changements, les choses auxquelles on pense à la dernière minute et qu’il faut aller chercher. Planifier, c’est économiser!

Vous donnez à votre film un grain réaliste particulièrement aigu, loin des standards du cinéma historique, en costume…

Je suis heureux que vous l’ayez remarqué, car c’est une chose qui comptait énormément pour moi dès le début. Je voulais filmer au présent, éviter ce piège qui guette tout réalisateur de film historique et qui vous fait vous complaire dans la beauté des décors, des habits, des paysages. Et ce aux dépens d’une vérité humaine seule susceptible d’interpeller. J’ai dit à toute l’équipe:  » On va filmer cette histoire comme si elle se déroulait aujourd’hui! » Cela supposait de conserver tout au long un esprit autocritique, de repérer les plans qu’on allait faire seulement parce qu’ils feraient joli, et de les éliminer sans pitié!

A quel point étiez-vous (et êtes-vous aujourd’hui) conscient du fait que les thèmes abordés par le film ont une résonance éminemment contemporaine? La tyrannie, la religion, par exemple…

J’avais, au départ, en entamant l’écriture du scénario voici quatre ans, le sentiment que le film pouvait avoir des échos contemporains. Il y avait quelque chose dans l’air… Mais je n’imaginais pas que l’actualité du monde augmenterait à ce point sa pertinence! Les changements de dynamique sociale, de politique, les rapports entre pouvoir et religion, les visions du monde centrées sur l’Homme ou dominées par Dieu, tout cela résonne de plus en plus fort, en effet. l

RENCONTRE LOUIS DANVERS

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