Amont et merveilles

Inédits rescapés des sessions de Bleu pétrole, supervisés par la fine Édith Fambuena, onze morceaux rappellent le magnétisme singulier d’un chanteur sans peur.

Le 14 mars 2009, Alain Bashung, 61 ans, est rappelé à notre mortelle destinée via un cancer du poumon diagnostiqué l’année précédente. Une décennie plus tard, ses quatorze albums studio, inégaux mais aventuriers, constituent toujours un ensemble inoxydable, du néo-rock’n’roll Roman-photos de 1977 à l’impérissable Bleu pétrole de 2008 (1). Contrairement à beaucoup d’autres, l’exploitation post-mortem du catalogue de Bashung est restée circonscrite: après un album en 2011, compilant des reprises par Bashung de Gainsbourg pour un spectacle de danse (L’Homme à la tête de chou), En amont est la première véritable livraison inédite. Au sens où l’album revisite un travail entamé par Bashung de son vivant et parachevé par autrui. Historiquement, l’affaire prend place après L’Imprudence, disque signant à l’automne 2002 la vision d’un Bashung opaque et sombre, éclatant le format chanson dans des méandres crépusculaires. Il en concevra donc le yin du yang suivant, Bleu pétrole, impériale livraison de 2008 où la mélodie prend le pas sur l’évanescence métaphysique. Pratiquement, des sessions pour ce dernier disque restera une série de titres non-exploités, formant aujourd’hui le corps d’ En amont.

Amont et merveilles
© dr

Du printemps à l’été 2018, la musicienne-productrice Édith Fambuena connue pour ses travaux sur Fantaisie militaire et L’Imprudence, nettoie les démos, et réenregistre certaines parties instrumentales. Par exemple celle signée par Raphaël sur l’orientalisant Les Salines, Raphaël refaisant tout lui-même de son côté avant de revenir vers l’opératrice édith. Dont le rôle est double: concevoir l’écrin musical du disque et y planter la voix. Elle choisit de mettre le chant très en avant, ce qui conforte l’auditeur dans l’impression d’avoir Bashung à ses côtés: d’autant plus sensé que les chansons touchent pour la plupart à l’intime, à commencer par Immortels, superbe titre de Dominique A qui, pour des raisons d’évocation de la mortalité, avait été écarté du final de Bleu pétrole. La plupart des textes ramènent d’ailleurs aux affres de l’existence: version junkie dans Elle me dit les mêmes mots, signé d’un connaisseur (Daniel Darc) et sur divers tons pas forcément optimistes de la part d’autres contributeurs (Doriand, Arman Méliès, Mickey 3D etc). Avec Bashung qui contribue à cinq musiques ici restituées via le puissant grain de guitares acoustiques uniformément cristallines, donnant un allant à des morceaux dont la qualité culmine sur la seconde contribution de Dominique A, Seul le chien. Le feuilleton d’un canidé forcément muet mais dernier dépositaire de la mémoire, un peu comme nous pour le cher Alain.

Alain Bashung

« En amont »

Distribué par Universal.

8

(1) y compris Cantique des cantiques avec Chloé Mons (2002) et La Ballade de Calamity Jane (2006) avec Mons et Rodolphe Burger

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