ELLE EST ACTRICE PORNO DANS LOVELACE, OÙ ELLE SIGNE UNE DE SES MEILLEURES PERFORMANCES, DANS UN REGISTRE INATTENDU.

Amanda Seyfried n’a pas froid aux yeux. Celle qui fit ses débuts de modèle à onze ans et d’actrice à quinze incarne aujourd’hui une star du cinéma interdit aux moins de 18… Elle est Linda Lovelace dans le film biographique consacré à l’interprète du sulfureux Deep Throat. Lequel, en 1972, sortit le porno de sa niche spécialisée (avec 160 millions de dollars de rentrées à la clé!). Lovelace élargit considérablement le registre d’une Seyfried ayant alterné le pire (l’affligeant mais populaire Mamma Mia!) et le meilleur (l’intense et captivant Chloe d’Atom Egoyan).

« Elle n’avait aucune intention de devenir une actrice de porno, explique la comédienne à propos de son personnage. Elle avait juste envie d’être devant la caméra, et de satisfaire son compagnon Chuck Traynor (joué dans le film par Peter Sarsgaard, ndlr) dont elle espérait la reconnaissance. Elle a suivi ce dernier dans le monde du film « pour adultes » et s’y est efforcée de faire de son mieux. Mais au fond d’elle-même, Linda était probablement puritaine! Vous savez, chaque être humain est tridimensionnel. On ne peut réduire quelqu’un à un seul aspect de ce qu’il fait ou est. C’est arrivé à Linda et c’est d’une grande tristesse…  »

Les réalisateurs de Lovelace, Rob Epstein et Jeffrey Friedman, décrivent Amanda Seyfried comme « singulièrement audacieuse, intrépide« . « Il faut pouvoir sortir de sa zone de confort, si on veut faire de ce métier quelque chose de vraiment passionnant, commente la jeune actrice. Je cherchais quelque chose de juteux, que je puisse prendre à deux mains. Quelque chose qui compte. Je n’en ai pas souvent eu l’occasion jusqu’ici alors quand ça s’est présenté, je n’ai pas hésité. Les réalisateurs ont par ailleurs su créer un espace dans lequel je pouvais me sentir en sécurité, où je pouvais épouser leur vision sans me sentir le moins du monde en danger. »

Le principal souci de Seyfried ne venait pas des scènes sexuelles -de fellation (simulée!) surtout- mais bien en fait de la responsabilité qu’elle ressentait vis-à-vis de la femme qu’elle incarnait, de sa « volonté de ne pas trahir Linda, de respecter la personne qu’elle était« . Invitée à jouer une actrice qui se sentit abondamment exploitée lors du tournage de Deep Throat, Seyfried n’a de son côté « jamais ressenti ce qui se passait sur celui de Lovelace comme déplacé, ou gratuit« . Et de s’exclamer: « Les réalisateurs aiment Linda, ils voulaient lui rendre justice! Il y avait beaucoup d’amour pour elle sur le plateau. Dès lors, la nudité ne me posait pas problème. C’était juste une des manières de dessiner un portrait crédible et respectueux. »

Déconnexion

Amanda Seyfried a vu Deep Throat et l’a trouvé « plutôt ennuyeux, un peu naïf aussi, mais assez touchant par certains aspects… Ce qui explique sans doute en partie son incroyable succès. » Le documentaire de 2005, Inside Deep Throat, narré non sans distance humoristique par Dennis Hopper, a constitué pour elle une source d’information précieuse. « Mais c’est regarder simplement Linda, observer ses yeux pendant les scènes de sexe, qui m’a le plus aidée, explique la jeune actrice. J’ai perçu en elle comme une sorte de déconnexion durant ces séquences, comme si elle éteignait, intérieurement, une part d’elle-même. Il y a de la tristesse à voir les efforts qu’elle fait pour être comédienne -sa véritable ambition- et rendre crédible quelque chose qu’elle ne ressent pas…  »

Les yeux de Seyfried s’emplissent de tristesse quand elle évoque sa perception d’une Linda « finissant par se sentir comme un rien, un vide, un réceptacle pour les fantasmes et les plans financiers, surtout, d’un entourage qui ne lui accordait aucune valeur en tant que personne. On a fait d’elle une star du porno, et elle s’est laissée faire en attendant mieux. »

L’interprète de Lovelace n’est assurément pas une fan de film X, mais elle n’en relève pas moins les changements que cette industrie particulière a connus depuis l’époque de Deep Throat: « Les femmes ne sont plus des objets, manipulés pour le profit des mecs. Les sociétés de production californiennes qui dominent ce marché sont essentiellement dirigées par des femmes, et à la réalisation aussi on trouve désormais principalement des femmes, et des actrices qui ont choisi librement cette voie, et qui ne la subissent plus comme ce fut le cas dans le passé. »

RENCONTRE Louis Danvers

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