LE DANSEUR AMÉRICAIN D’ORIGINE PALESTINIENNEPIERRE DULAINE A VOULU FAIRE DANSER ENFANTS ISRAÉLIENS ET PALESTINIENS. BEAU PARI!

Jaffa, il y est né, voici 70 ans, d’un père irlandais et d’une mère palestinienne d’origine française. Sa famille a pris le chemin de l’exil en 1948, à la création de l’Etat d’Israël. Et Pierre Dulaine a grandi en Angleterre, avant de gagner les Etats-Unis au tout début des années 70. C’est à New York que ce professeur de danses de salon est devenu une référence dans le milieu, remportant de nombreux prix et créant un vaste programme d’enseignement de son art aux enfants des écoles publiques de la ville. Son histoire a inspiré un biopic (Take The Lead/Dance With Me) où son personnage était joué par… Antonio Banderas!

Aujourd’hui, Pierre Dulaine évoque pour nous l’aventure peu banale de Dancing In Jaffa, une initiative qui l’a fait convaincre une centaine de jeunes Israéliens et Palestiniens d’apprendre à danser et de le faire… ensemble, par-delà les préjugés, les tabous. Le documentaire qui témoigne de cette belle action est désormais sur nos écrans. Son principal protagoniste n’en tire aucune gloire facile. « Je ne suis pas retourné à Jaffa pour faire une différence, pour réaliser quelque chose d’ambitieux, explique-t-il. Je fais juste ce que je sais faire, et ce sont les enfants des classes auxquelles j’enseigne qui font la différence! » Si Dulaine a pris le chemin de sa ville natale pour y proposer l’expérience rapportée par le film de Hilla Medalia, c’est « parce qu’après avoir aidé des milliers d’enfants américains, je voulais faire quelque chose pour ma propre communauté. Notre coeur est toujours là où a battu celui de notre mère…  »

Sa préoccupation était d’aider des Palestiniens, des Arabes israéliens en fait « puisque Jaffa est en Israël, pas en Cisjordanie« . Avec un sourire, Dulaine précise que face au conflit défigurant la région, il est « au départ à 51 % pour les Arabes et à 49 % pour les Juifs« . « Les Arabes d’Israël sont victimes de discrimination, poursuit le danseur et enseignant. Le racisme pouvant être le fait de ceux qui en sont eux-mêmes les victimes, comme aux Etats-Unis, où certains Noirs sont discriminés par d’autres Noirs car ils n’ont pas la peau assez foncée. J’ai vu cela plus d’une fois à Broadway, lors de castings… »

Petits pas (de deux)

« J’espérais que la danse puisse aider ces garçons et ces filles comme elle a pu m’aider moi, le gamin timide et harcelé à l’école en Angleterre à cause de mon accent étranger… « , déclare Pierre Dulaine. « La danse vous permet de créer votre propre espace, d’échapper aux restrictions, aux limites que vous pouvez ressentir dans l’existence quotidienne. Elle vous libère, et en même temps vous vous perdez en elle. La danse est comme une méditation en mouvement! » L’enthousiasme est communicatif, ainsi qu’il le fut en Israël, quand Dulaine rencontra des représentants du Ministère de l’Education et obtint facilement leur feu vert à son initiative.

Restait à obtenir l’essentiel: que les parents donnent leur autorisation (ce ne fut pas toujours facile, mais le fait que notre homme parle l’arabe avec un accent palestinien put aider auprès de certains d’entre eux) et que les enfants acceptent non seulement de prendre pour partenaire « l’autre, l’ennemi parfois« , mais encore et sans doute surtout qu’ils… osent le toucher. « La danse, c’est toucher la personne avec laquelle on évolue, souligne notre interlocuteur. Et pour pas mal d’élèves -les garçons arabes surtout-, toucher une fille de sa propre communauté est déjà chose difficile, alors imaginez quand la fille est juive! » Le film capte remarquablement l’embarras, la gêne, et même certains gestes de rejet. Il ne manque rien non plus des regards interrogateurs, puis de l’acceptation faite par ceux des enfants qui poursuivront le processus jusqu’au bout. « Pour eux, conclut Pierre Dulaine, certains obstacles n’en sont déjà plus. Il en reste malheureusement beaucoup avant d’arriver à une entente et à la fin des injustices. Mais comment refuser l’espoir à des enfants? Et comment ne pas voir que l’on peut et doit se parler? Commençons par nous mettre d’accord sur le fait que… nous ne sommes pas d’accord. Le reste suivra. »

RENCONTRE Louis Danvers

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