LE 64E FESTIVAL DE CANNES S’OUVRIRA MERCREDI. PRÉSENT EN COMPÉTITION, À LA QUINZAINE ET DANS LA SÉLECTION ACID, LE CINÉMA BELGE Y SERA UNE FOIS ENCORE À LA FÊTE. MISE EN PERSPECTIVE AVEC LE SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LA COMMUNAUTÉ FRANÇAISE, FRÉDÉRIC DELCOR.

Avant même de concentrer tous les regards de la planète cinéma, Cannes 2011 restera comme un millésime de choix pour le cinéma belge: Le Gamin au vélo des frères Dardenne en compétition officielle, Les Géants de Bouli Lanners, de même que La Fée de Abel, Gordon et Romy, et Blue Bird de Gust Van den Berghe à la Quinzaine des réalisateurs, Le Grand’tour de Jérôme le Maire dans la sélection Acid: voilà qui s’appelle être reçu 5 sur 5, à quoi il convient d’ailleurs d’ajouter une poignée de courts métrages, et diverses coproductions. Une prouesse, pour ainsi dire, eu égard à la taille du pays et au volume de la production, mais aussi une bonne habitude: voilà plus d’une décennie, déjà, que les films belges bénéficient d’une cote d’amour inaltérable sur la Croisette et, dans la foulée, dans la plupart des grands festivals internationaux. De ce copieux gâteau cannois, la Communauté française se taille, cette année encore, la part du… lion: avec 4 longs métrages répartis dans les diverses sélections, le cinéma francophone belge affiche, si pas une santé florissante, une créativité soutenue – « J’y vois une certaine constance dans la reconnaissance internationale de la qualité de notre cinéma », observe Frédéric Delcor. Satisfaction légitime que le Secrétaire Général de la Communauté française assortit d’un commentaire: « Il faut répéter que cela n’a rien de naturel ou d’automatique: on est tellement habitués, quelque part, à cette reconnaissance, qu’on oublie parfois son caractère exceptionnel. «  L’époque n’est pas tellement éloignée, en effet, où la seule présence d’un film belge dans un grand festival était saluée comme un événement d’exception, la tentation de l’amnésie étant grande, toutefois, devant les lauriers glanés aux 4 coins de la planète -160 prix pour la seule année 2010. Là où, s’agissant de Cannes, on peut considérer que la simple sélection vaut distinction. C’est dire, aussi, si le cinéma belge est apprécié dans sa diversité – « il n’y a pas un cinéma belge, il y a des cinémas belges, poursuit Frédéric Delcor. Et des créateurs avec des univers singuliers qui peuvent parler à des publics du monde entier parce que les sujets qu’ils abordent sont à la fois spécifiques et universels.  »

On mentirait, pourtant, en écrivant que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. S’il bénéficie d’une vitrine d’exception le temps de la quinzaine cannoise, le cinéma francophone belge peine, en effet, à transformer l’essai sur les écrans, le public continuant ostensiblement à bouder ses productions. A cet égard, 2010 traduit pourtant un mieux sensible, avec 400 000 spectateurs pour les films francophones belges à Bruxelles et en Wallonie, soit une hausse de 25 %. Encore convient-il de préciser que 2 films concentrent l’essentiel de ces entrées (à savoir Le Voyage extraordinaire de Samy de Ben Stassen et Mr Nobody de Jaco Van Dormael), et que le cinéma flamand attirait dans le même temps quelque 2 millions de spectateurs (une tendance qui ne semble pas près de se démentir: sur les 4 premiers mois de l’année, le seul Rundskop totalisant déjà plus de 400 000 entrées). Comparaison n’est sans doute pas raison, mais voilà qui donne en tout cas à réfléchir.

Dardenne – Haneke, même combat

On relèvera d’ailleurs que si le cinéma américain domine l’ensemble du box-office européen, la Communauté française est le seul territoire, avec l’Autriche, dont la production n’arrive pas en seconde position. Dardenne-Haneke, même combat, en somme, la première explication au phénomène tenant à la communauté linguistique avec un grand voisin: « On a cette particularité, et cela a surtout des aspects positifs, d’être une culture très ouverte sur l’extérieur. Cela déforce l’identification spécifique de notre cinéma national. » A l’opposé, en somme, du réflexe identitaire régulièrement à l’£uvre de l’autre côté de la frontière linguistique. S’y ajoute un malentendu quant à la réalité de la production, perçue, enquêtes à l’appui, comme monochrome par une majorité de spectateurs potentiels. Une question d’image, donc, que les professionnels et les pouvoirs publics veulent s’employer à modifier, « en essayant de faire passer l’idée que notre cinéma est un cinéma diversifié, qui peut s’adresser à tout type de public.  » Un premier pas en ce sens a été fait avec les Magritte; d’autres initiatives suivront, touchant aussi bien à la promotion qu’à l’éducation. « Notre ambition n’est vraiment pas que chacun de nos films fasse autant d’entrées qu’un blockbuster américain, mais bien que chacun de nos films puisse trouver, au maximum, son public », martèle encore Frédéric Delcor. Un objectif raisonnable, passant par un « déclic sur ce qu’est le cinéma belge, globalement », auquel participe cet exceptionnel printemps cannois, sans égard pour les différences communautaires, d’ailleurs: « Pouvoir montrer à l’étranger le dynamisme global du cinéma belge, je pense que c’est profitable pour tout le monde.  »

TEXTE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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