À l’aventure

Ardant, Maury, Arlaud... Un casting qui fait la grand écart pour cette comédie lunaire qui ne manque pas d'arguments.

Fantaisie aux idées perchées restée inédite dans les salles belges, Perdrix est depuis peu disponible en DVD. Séance de rattrapage en compagnie de son irrésistible acteur principal, récemment césarisé, Swann Arlaud.

Présenté à la Quinzaine cannoise en mai et primé au FIFF namurois en octobre, Perdrix, le premier long métrage du Français Erwan Le Duc, n’a jamais officiellement trouvé le chemin des salles du pays. Aujourd’hui disponible en DVD, le film ne manque pourtant pas d’arguments. À commencer par son casting, qui fait le grand écart entre Fanny Ardant et Nicolas Maury (la série Dix pour cent) en passant par la très allumée Maud Wyler et, donc, Swann Arlaud. Dans cette comédie lunaire tournée dans les Vosges, ce dernier, irrésistible Droopy sensible, incarne Pierre Perdrix, capitaine de gendarmerie amidonné aux prises avec un groupuscule de nudistes révolutionnaires bien décidés à foutre le souk dans la région. Moment particulièrement embrouillé que choisit pour faire irruption dans son existence l’insaisissable Juliette Webb (Wyler), véritable tornade faite femme qui va pousser le brave homme à revoir le sens de ses priorités et commencer enfin à vivre.

Repéré notamment ces dernières années dans Baden Baden de Rachel Lang ou Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore, Arlaud voit son talent exploser tardivement dans le formidable Petit paysan de Hubert Charuel, César du meilleur acteur en 2018 à la clé, avant de confirmer chez François Ozon, son interprétation dans Grâce à Dieu lui valant tout récemment un deuxième César, du meilleur acteur dans un second rôle cette fois. Le cinéma, le quasi-quadra, né à Fontenay-aux-Roses au début des années 80, y est venu pour ainsi dire naturellement.  » Disons que j’y suis arrivé à la fois par hasard et par évidence, rectifie l’acteur. Parce que toute ma famille est dans le cinéma, mais côté techniciens plutôt. Moi j’étais parti pour faire autre chose. J’ai fait les Arts décoratifs à Strasbourg. Et puis voilà, à 20 ans, j’ai commencé un peu à jouer. Pour voir. J’ai enchaîné des petits rôles dans des séries policières à la télé. J’ai fait mes gammes et j’ai appris comme ça, sur le tas. »

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Un point d’interrogation

Placé sous le signe de la famille, son parcours évolue alors aussi sous celui de l’amitié.  » Rachel Lang, la réalisatrice de Baden Baden , c’est la fille de Patrick Lang, qui était mon prof de sculpture aux Arts déco. Quant à Clément Cogitore, il était tout simplement en classe avec moi à Strasbourg. C’est comme ça que les choses se sont mises en place plus sérieusement, via des liens qui étaient déjà là. Idem pour Perdrix. Ma mère, Tatiana Vialle, écrit et met en scène pour le théâtre. Maud Wyler a interprété un de ses textes sur scène. Et comme Erwan est son compagnon, on s’était déjà rencontrés. Quand il a bouclé le scénario de Perdrix , il me l’a proposé. En plus, ses producteurs étaient les mêmes que pour Petit Paysan (sourire) . »

Dans le film, Arlaud campe pour ainsi dire le seul personnage sérieux dans un environnement qui disjoncte.  » A priori, je suis plus à l’aise dans un environnement réaliste et dans du drame. Mais j’adore l’humour d’Erwan et ce film m’a donné envie d’aller aussi vers des propositions plus décalées comme celle-là. Sur le plateau, je me suis concentré sur une forme de rigidité. D’habitude, je me tiens assez mal. À partir du moment où, déjà, j’essaie de me tenir droit, j’affiche un côté un peu figé. J’ai joué là-dessus. Du début à la fin, j’ai essayé d’être un point d’interrogation, en fait, parce que j’incarne ce mec qui est constamment en train de se demander ce qui se passe. Le comique naît essentiellement d’un contraste. »

Privilégiant un ton assez unique, qui peut d’abord sembler n’être que douce fantaisie, Perdrix est ce genre de comédie qui touche aussi parfois, sans vraiment qu’on s’y attende, à une vraie profondeur.  » Oui, il y a dans le résultat final une audace, une poésie, une tendresse, que je ne soupçonnais pas en faisant le film. Le pari réussi de Perdrix, c’est qu’on n’est pas juste là pour faire des gags. C’est à la fois une comédie amoureuse, un film d’aventure et une oeuvre d’auteur. Tout ça peut cohabiter très harmonieusement à l’écran. »

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La puissance du cinéma

 » Je vais très souvent au cinéma. J’adore y aller tout seul le matin, à la séance de 11 heures. » La cinéphilie, comme Obélix avec la potion magique, Swann Arlaud est tombé dedans quand il était petit. Via son beau-père, Bruno Nuytten, le réalisateur de Camille Claudel.  » À la maison, ma chambre était juste à côté du grenier, avec une petite porte qui reliait directement les deux. Et dans ce grenier, Bruno avait constitué une vidéothèque hallucinante, où il y avait aussi bien les films avec Marilyn que les Cassavetes, les Bergman, les Truffaut, les Pialat ou les Blier… Tous les soirs, j’allais choisir un film. »

S’il ne pense pas que le cinéma peut sauver le monde, le comédien croit par contre dur comme fer à sa capacité à faire bouger les lignes et changer les mentalités.  » C’est quelque chose que j’ai encore pu vérifier avec Grâce à Dieu de François Ozon. On a senti le truc venir avant même la sortie du film, parce que d’un coup, on a eu deux procès au cul. C’était tendu, on ne savait pas si le film allait pouvoir sortir, mais là je me suis quand même dit: ah ouais, donc en fait le cinéma peut encore avoir cette puissance-là. Il peut faire trembler les gens de pouvoir, ceux qu’on n’arrive pas à faire tomber autrement, les salauds impunis. Moi je dis: si le cinéma peut faire ça, eh bien quelle fierté de pouvoir y participer. »

Perdrix. D’Erwan Le Duc. Avec Swann Arlaud, Maud Wyler, Fanny Ardant. 1 h 39. Disponible en DVD sur les sites de vente en ligne.

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