AUX CÔTÉS DE BASTIEN VIVÈS, LE DUO FRANÇAIS RUPPERT & MULOT A RENIFLÉ LE FAUVE D’OR AVEC LA GRANDE ODALISQUE CHEZ DUPUIS, UNE APPROCHE FORMELLE DE LA BD D’ACTION SALUÉE PAR BEAUCOUP. LEUR ANNÉE 2013 SERA CHARGÉE, ET AU COEUR DES DÉBATS.

On les croise entre moult sollicitations et une conférence sur le thème des « monomes », ces duos d’auteurs qui se confondent en un seul. Ce que Jérome Mulot et Florent Ruppert, aka Ruppert & Mulot, sont depuis toujours et leurs débuts à l’école nationale d’arts de Dijon. Des débuts on ne peut plus indépendants et alternatifs: d’abord un fanzine, remarqué par Killoffer. Puis des dessins dans Ferraille, avant de s’illustrer, c’est le terme, à L’Association, avec leur approche esthétique et formelle de la narration en bande dessinée, et des références venant plus de la danse et des arts contemporains que des petits Mickeys. C’est pourtant aujourd’hui chez Dupuis et Aire Libre qu’ils s’épanouissent. Etonnant ou logique?

Rupper & Mulot, artistes contemporains ou dessinateurs?

Ruppert: On a commencé aux Beaux-Arts, plutôt dans l’art contemporain. On n’y faisait jamais de BD, mais des vidéos, des installations, de la danse… La bande dessinée ne faisait pas partie de ce champ-là. On ne pouvait pas la pratiquer. Ça change un peu.

Mulot: La BD reprend pourtant énormément d’aspects plastiques, la couleur, le cadre, des codes appréhendés par les Beaux-Arts. Et en BD, ce qui nous branche c’est la narration, raconter une histoire. L’aspect livres est au moins aussi important que l’approche plastique.

Ruppert: On essaie de réutiliser dans le processus de la bande dessinée des choses développées aux Beaux-Arts, en changeant les formats, en essayant de faire rentrer ces idées-là dans ce médium-là, dans la taille d’une case.

On trouve dans votre univers un questionnement sur la normalité, un travail sur le temps et la narration, souvent dilatée, fractionnée.

Mulot: Il y a de ça, oui. Un geste qui serait déplacé dans la vraie vie mais qui est intéressant artistiquement. Et la dilatation du temps, un truc qui me vient de l’adolescence.

Ruppert: Le plus jouissif en bande dessinée réside pour nous dans cette approche du mouvement et du corps. La BD, c’est un dessin que tu regardes, mais c’est aussi un dessin que tu lis, qui bouge, dont il faut contrôler les gestes, les mouvements du corps, les jeux d’acteur. Créer des personnalités, des gens qui n’existent pas sur terre, mais les aimer comme des vrais gens.

D’où votre travail sur les visages, presque absents, quasi inexpressifs…

Mulot: Nous sommes partis sur des lacunes, pour lesquelles il fallait trouver des solutions. Et on ne voulait pas essayer de faire moins bien que les autres, donc notre solution, radicale, a été de presque les effacer.

Ruppert: Les visages, en BD, c’est l’endroit où tu places les émotions: les sourcils, le sourire… On essaie de prendre le contrepied et d’exprimer les sentiments par le corps. Je faisais de la danse, c’est quelque chose qu’on voulait développer. Nous dessinons des personnages déshumanisés, mais dans l’idée de leur coller le fardeau de toute l’humanité. Avoir un homme qui représente tous les hommes.

Avec La Grande Odalisque et Vivès, vous avez intégré ces concepts dans la BD d’action, populaire. Sauf que tout s’y fait dans le silence!

Ruppert: A la base, il y avait d’abord l’envie de reprendre et adapter Cat’s Eyes. En en parlant avec Bastien, il a tout de suite rebondit. Des idées sont venues.

Mulot: On adore les histoires qui parlent de musée, de peinture, avec l’envie d’y mettre de l’action. Des gens qui se bagarrent, mais avec une approche sur le corps et la danse, comme des chorégraphies, avec nos outils, qui ne viennent pas de Largo Winch. Les onomatopées, ces choses-là, on a toujours considéré que ce n’était pas indispensable, que ces outils-là ne nous appartenaient pas. L’onomatopée vient sur un temps arrêté; le pistolet fait « pan! » quand le pistolet tire. Nous, on aime traiter la continuité de l’action. On ne fige pas le temps, on suit la balle, le mec qui est touché, etc.

Ruppert: Faire ça chez Dupuis et Aire Libre, ça avait du sens, Blain est passé par là, Blutch… On voulait faire un vrai blockbuster, avec des explosions, des hélicos, un vrai grand spectacle qui coûte cher, fallait un éditeur qui puisse se payer ça (rires).

Vous faites aussi de la BD en dehors des cases, comme cette expo autour de Spiderman au cirque…

Ruppert: C’était une expo en Suisse, de grands dessins, montrés dans un chapiteau, un par un, formant une narration, encore une fois. Un personnage de bande dessinée devenu une véritable bête de foire, mêlé à d’autres influences comme Buffalo Bill, qui avait monté un cirque.

Aire Libre annonce déjà votre prochain album, à vous deux: La technique du perinée. Tout un programme…

Il s’agit d’une histoire d’amour via Internet entre deux libertins. Cette technique consiste à dissocier l’éjaculation de l’orgasme chez l’homme. C’est aussi la façon dont le personnage féminin séduit l’autre, le presse, le met dans cet état. Mais on sera proches de la narration de La Grande Odalisque, on revient juste à un boulot… plus sensible.

LE SITE DE RUPPERT & MULOT, À VOIR: WWW.SUCCURSALE.ORG

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