Guy Verstraeten
Guy Verstraeten Journaliste télé

DOCUMENTAIRE DE MEHDI BA ET JEREMY FREY.

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Le 6 avril prochain, à la tombée de la nuit, cela fera très exactement 20 ans que l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana était abattu peu avant son atterrissage, ouvrant la brèche au dernier génocide du XXe siècle. Prenant cette journée comme point de départ, le documentaire primé de Mehdi Ba et Jeremy Frey s’étale sur une semaine. Sept jours durant lesquels ces massacres auraient probablement pu être évités…

Avant d’entrer frontalement dans leur terrible sujet, les auteurs prennent la peine de planter le décor. Très brièvement. Au Rwanda, Hutus et Tutsis n’ont pas toujours été les ennemis irréductibles qu’ils sont devenus, nous dit-on: les colonisateurs occidentaux les auraient artificiellement séparés en ethnies distinctes, privilégiant, en fonction de leurs intérêts du moment, l’une ou l’autre desdites « ethnies ». Durant la seconde moitié du siècle dernier, les Hutus ont ainsi régné sans partage sur le pays des mille collines, avec l’assentiment et la bienveillance des anciennes puissances coloniales. Marginalisés, exilés pour une partie d’entre eux, les Tutsis ont dès lors créé le fameux FPR (Front patriotique rwandais) pour revendiquer leur part du gâteau. Après une guerre civile de trois ans, Juvénal Habyarimana, bien obligé d’ouvrir l’exécutif à quelques représentants tutsis, était donc assassiné, libérant la hargne et la folie de sa garde présidentielle. Car c’est bien de folie meurtrière dont il est question: les récits agrégés par Mehdi Ba et Jeremy Frey font absolument froid dans le dos. Plusieurs témoins racontent de manière aussi poignante que terrifiante ces premiers jours de génocide. Parmi eux, deux Hutus incarcérés dans les yeux desquels le Diable en personne semble s’incarner: ivres du sang tutsi, ils ont massacré ou incité au massacre, propagé et défendu ce nettoyage ethnique insoutenable. Chaque jour, 10 000 Tutsis ou même Hutus modérés étaient fauchés par balles ou à la machette dans des scènes d’une brutalité rationnellement incompréhensible.

La première semaine du génocide, sur laquelle s’attarde ce film, fut aussi celle du renoncement occidental. Alors que les soldats belges, notamment, se sentaient capables de stopper l’hémorragie, ils furent rappelés au pays. Au même titre que le reste des troupes de la Minuar (Mission des Nations-Unies pour l’assistance au Rwanda), réduites à une véritable peau de chagrin. Livrés à eux-mêmes, les Tutsis subirent jusqu’au coeur de l’été les pertes massives que seul un génocide méthodique et sans pitié peut engendrer. Dans une douloureuse indifférence. Glaçant, bouleversant, nécessaire, 7 jours à Kigali remet les yeux en face des trous.

GUY VERSTRAETEN

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