Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

L’ouest de Londres. Ealing. Son « art college » où ont entre autres étudié Pete Townshend, Freddie Mercury et Ronnie Wood. Et surtout ses mythiques studios de cinéma. Les plus vieux au monde continuellement en activité depuis leur création. C’est dans ce temple de la comédie britannique des années 40 et 50, lieu où se généralisa aussi l’emploi de documentaristes (Harry Watt, Alberto Cavalcanti) à la réalisation pour rendre les films de guerre plus réalistes, que l’équipe de The Two Faces of January tourne pendant deux semaines ses scènes d’intérieur.

Loin de la Crète, d’Athènes et d’Istanbul où se déroule cette adaptation de Patricia Highsmith, il fait en ce mois de novembre 2012 un temps pourri à ne pas mettre un chien, même anglais, dehors. Chester (Viggo Mortensen), fringué comme un prince, et Colette (Kirsten Dunst), blottie en nuisette sous les draps, reçoivent dans une chambre d’hôtel sixties la visite d’un inconnu, un détective privé, disant représenter des investisseurs mécontents. Une bagarre éclate…

Voyage au bout de l’ennui. Rendez-vous avec le pas toujours passionnant métier de comédien. Les acteurs rejouent la scène encore et encore, inlassablement, sous l’oeil attentif et aiguisé du réalisateur Hossein Amini. Viggo, charismatique, massif et concentré, passe régulièrement derrière les caméras. Vient se regarder dans les moniteurs.

« Le tournage est particulièrement long. A fortiori pour un projet à petit, mais décent, budget qui ne comprend pas d’effets spéciaux, confie Kirsten Dunst entre deux scènes. Sur le même laps de temps, il m’est arrivé de tourner trois films. Mais Hossein, s’il concède de la liberté à ses acteurs, ne veut rien laisser au hasard et se montre très pointilleux. »

Oscar Isaac, le singer songwriter désabusé Llewyn Davis des frères Coen qui figure au casting du prochain Star Wars, prend un plaisir non dissimulé à voyager à nouveau dans les années 60. « The Two Faces of January est un film noir dans le sens classique du terme mais avec une profondeur, une psychologie de personnages qu’on ne trouve plus souvent au cinéma. Les sixties étaient des années particulièrement esthétiques. J’en aime les fringues, la musique… Tous les jazzmen de l’époque. La scène folk de Greenwich Village: Phil Ochs, Bob Dylan, Dave Van Ronk… La poésie aussi. Comme Rydal, mon personnage, est un poète, j’ai lu beaucoup de Lord Byron qui a vécu à Athènes et y a écrit des choses formidables. J’ai également dévoré des biographies. La curiosité est prépondérante chez tous les artistes. Je n’y vois pas de limite. Tant que des recherches suscitent chez toi de l’intérêt, elles nourrissent ton imagination. »

L’imagination, il faut la laisser vagabonder pour réaliser que, dans ces immenses bâtiments froids, qui ont pendant 40 ans appartenu à la BBC, ont été tournés des morceaux de Coup de foudre à Notting Hill, de Troie et de La Menace fantôme… Golden Ealing.

JULIEN BROQUET

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